Une expression qui a été beaucoup utilisé à Bruxelles pour parler des propositions franco-allemande puis européenne de plan de relance : celle de "moment hamiltonien de l’Europe". Que se cache-t-il derrière cette expression et à quel type de transformation fait-elle référence ?
On fait généralement référence à ce moment de l’histoire des États-Unis où Alexander Hamilton, premier Secrétaire au Trésor américain, avait convaincu la Chambre des représentants d’assumer au niveau fédéral la dette de guerre des anciennes colonies. Cette mise en commun des dettes des États américains était la première étape de la fédéralisation de ce qui allait devenir les États-Unis d’Amérique. Depuis lors, ce "moment hamiltonien" est devenu l’étalon-mesure de l’intégration européenne pour les fédéralistes, c’est-à-dire ce moment où l’Union européenne deviendrait une véritable fédération, voire un État fédéral européen.
Il est certain que le basculement de l’Allemagne en faveur d’un endettement mutualisé, alors même qu’elle s’y était toujours refusée, est un basculement historique. Pour autant, il est beaucoup trop tôt pour vous dire si l’Europe vit son "moment hamiltonien" ou non. Tout dépendra, tout d’abord, de l’issue des négociations qui sont en cours au niveau européen. Et, si aucun État ne semble véritablement être en position de s’opposer purement et simplement au principe du plan de relance, certains vendront cher leur soutien.
Les débats sont actuellement très vifs au niveau européen et il est peu probable qu’ils aboutissent au Conseil européen du 17 juillet. L’enjeu principal de ces négociations ce sera les conditions qui seront exigées en échange du plan de relance. Des conditions trop strictes sur les finances publiques pourraient anéantir à néant les efforts consentis dans le cadre du plan de relance. Par ailleurs, s’il se confirmait que ce moment devait être décisif pour l’intégration européenne, il est clair que nous ne sommes pas à l’aube d’un État européen, dont personne ne veut en Europe. Fédéralisme ne veut pas dire nécessairement Etat fédéral.
Doucement mais surement l’Union européenne est également en train de faire sa mue sur les questions d’autonomie stratégiques. La crise du Covid-19 a agi comme un révélateur. Dans les domaines de la défense, de l’industrie, du commerce international, l’Union fait petit à petit sa mue. En particulier, l’Union s’est donné pour objectif plus ou moins assumé de réduire ses dépendances vis-à-vis de ses grands partenaires : Chine bien sûr, mais États-Unis également, en particulier si Donald Trump devait être réélu.
Chaque semaine, dans la Matinale RCF, une analyse politique de l'Union européenne et de ses grands enjeux.
RCF est une radio associative et professionnelle.
Pour préserver la qualité de ses programmes et son indépendance, RCF compte sur la mobilisation de tous ses auditeurs. Vous aussi participez à son financement !