Il y a 10 ans jour pour jour débutait l’opération Harmattan en Libye. Les forces occidentales volaient au secours des rebelles libyens qui s’étaient soulevés contre le colonel Kadhafi un mois plus tôt. Une coalition qui regroupe la France, le Royaume Uni, les Etats-Unis, l’Otan mais aussi plusieurs pays arabes dont l’Egypte et le Qatar. Le début d’un très long conflit qui n’est pas terminé.
À l’époque, la résolution 1973 du conseil de sécurité de l’ONU autorise l’emploi de tout les moyens pour proteger les civils. Benghazi, principale ville rebelle, est sur le point de tomber. On se souvient du philosophe Bernard Henry Levy montant au créneau. Cette guerre qu’endosse le président de l’époque Nicolas Sarkozy a alors toute les apparences d’un conflit juste humanitaire. Mais 10 ans après, Kader Abderahim, enseignant à Sciences Po et directeur de recherche à l’IPSE a une autre analyse : "Je retiens moins la volonté d’une guerre préventive humanitaire qu’une volonté de puissance et d’éliminer un homme, Kadhafi, qui était perçu comme un trublion sur la scène internationale".
Le mythe d’une guerre humanitaire a vécu, tout comme celui du leadership français dans cette affaire. "La France n’a pas joué un rôle de décideur. La guerre a été d’abord décidée par le chef de la diplomatie américaine de l'époque, Hillary Clinton. L'Arabie Saoudite souhaitait cette guerre. Ce mythe de la France qui était seule en situation de pointe c’est pas la réalité historique", estime Jalel Harchoui, chercheur specialiste de la Libye auprès de l’ONG Global initiative à Genève.
Une fois Mouammar Kadhafi mort, lorsque la coalition se retire fin octobre 2011, il n’y aura pas d’initiative de stabilisation ni de construction de la paix dans un pays qui avait connu 40 ans de dictature. Et puis les Occidentaux ont idéalisé le rôle et celui de leurs partenaires du golfe, estime Jalel Harchoui. "À l’époque, l’Etat du golge qui était en vogue c’était le Qatar. Mais ça a été une catastrophe. L’Occident n’a pas rééellement essayé donc on ne peut pas parler d’échec. La tentative n’a pas été suffisament sérieuse", analyse le chercheur.
La résolution de l’ONU excluait une force militaire extérieure au sol. De fait, les milices n’ont jamais posé les armes. "Les milices qui avaient participé au soulèvement ont une lourde responsabilité parce qu'elles ont toujours refusé de déposer les armes. Elles ont mis en coupe réglée le pays. Il y a eu beaucoup de loupés, beaucoup d’Etats étrangers. On a vu à quel point ce conflit avait provoqué la déstabilisation insitutionnelle du Maghreb", souligne Kader Abderahim.
Après la nouvelle guerre civile de 2014, le pays est resté déchiré entre l’ouest et l’est, avec d’un coté à Tripoli le gouvernement d'union nationale (GNA), reconnu par l’ONU. Il est soutenu par la Turquie. À l’est, le maréchal Haftar, est lui soutenu par les Emirats arabes unis, l'Egypte et la Russie.
Quoi qu’il en soit les civils sont les principales victimes de ce conflit. Des dizaines de milliers de morts, peut-être plus, et des civils notamment des migrants pris dans une nasse de violences. "C’est vraiment la population civile qui paie le prix de 10 ans de conflit et de violence. Ces milices commettent des crimes de guerre en toute impunité", déplore Diana Eltahawy, directrice adjointe du programme Proche et Moyen-Orient à Amnesty International.
Amnesty et d’autres ONG dénoncent toujours la situation et aussi l’attitude de l’Union européenne vis-à-vis de migrants renvoyés en Libye. En octobre, un cessez-le-feu a été arraché après un an de combat entre le GNA et les forces d’Haftar. L’envoi massif d’armes et de mercenaires a fait pencher la balance du côté de Tripoli. Un fragile processus de normalisation est en cours des élections sont prévues pour décembre mais personnes n’y croit vraiment.
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