Limitation

"En 1973, on imposait le port de la ceinture de sécurité, en 2002, s’installaient des radars, et voici donc en 2018 une limitation assez drastique, avec cette mesure entrant en vigueur au 1er juillet 2018. Et au passage un cortège de mots à passer au radar : d’abord limite, limitation, bien sûr, ensuite vitesse, et enfin route secondaires, ces dernières représentant environ 400 00 kilomètres, ce qui n’est pas rien.

Ce mot, limitation, n'est pas souvent perçu avec plaisir. C'est le cas, une fois encore, avec la réduction de la vitesse sur ces routes secondaires, que le gouvernement juge particulièrement dangereuses. Il faut remonter aux fameuses limes, qui représentaient pour les Romains, sur toute la périphérie de leur Empire, ces zones frontières qui les séparaient du monde qualifié par eux de "barbare".

Ces limes étaient à la fois des zones de surveillance et un dispositif d’alerte. L’objectif était en effet double : d’un côté, repousser les éventuelles incursions ; et de l’autre réguler des échanges commerciaux avec des douanes. Dès le départ le mot n’a donc rien d’attirant. Ensuite, par analogie le mot limes mais aussi limitis a désigné un chemin, bordant un domaine.

Et voici venir, attesté en 1372, le français limite alors encore d’usage rare et qui d’ailleurs était le plus souvent masculin, un limite, et ce pour ainsi dire jusqu’au XVIIème. La limite désigna dès le départ la ligne séparant deux champs, deux domaines, deux territoires, mais aussi par extension, une période de temps, là aussi perçue négativement. Par exemple arriver à la limite d’âge pour un examen, une date limite pour la consommation d’un produit.

Et sont récemment nées des formule familières comme être limite, être tout juste acceptable. Par exemple, dans notre époque du politiquement correct à outrance, attention aux plaisanteries qu’on va vous dire être franchement limites. Enfin, en français très peu châtié, à éviter on dira : "il est naïf, limite nunuche", limite devenant ici une sorte d’adverbe synonyme de "presque".

Quant au mot limitation, il est attesté en 1304, avec la limitation d’un terrain, la limitation de temps, puis, au XXème, la limitation des armes, et les limitations de vitesse. À 100 km/h en 1970, puis 90 et aujourd’hui 80. J’ai pendant 20 ans fait à peu près 30 000 km par an, et à dire vrai, depuis les radars, c’est presque toujours mon épouse qui conduit, elle préfère. De fait, les seules limitations que j’aime ce sont les limitations de prix ! Surtout pour les dictionnaires…"