Mise en scène des Jeux olympiques : un Dieu ou des dieux ? 

Un article rédigé par Madeleine VATEL - RCF, le 30 juillet 2024 - Modifié le 30 juillet 2024
Je pense donc j'agisJeux olympiques : la place du sacré et des rites païens

Relai de la flamme, célébration des athlètes, cérémonie d’ouverture, communion du public : comment les Jeux olympiques touchent-ils au sacré ?  

Transcender les limites ©viarprodesign sur FreepikTranscender les limites ©viarprodesign sur Freepik

La cérémonie d’ouverture et les émotions qu’elle a suscitées pendant et après ce moment festif interrogent le caractère sacré de l’événement. « Dans l’antiquité, et pour le monde grec dans son ensemble, c’était sans aucun doute un phénomène entièrement religieux. Le fait le plus remarquable, c'est qu'on datait les événements d'après les Jeux olympiques. On était 'né sous la troisième année de la 25e Olympiade', par exemple. Il y avait donc un aspect social tout à fait majeur, global, religieux, pour la communauté et la vie personnelle » souligne Paul Demont, professeur émérite de la Sorbonne Université, et auteur de « la Cité grecque archaïque et classique, et l’idéal de Tranquillité » publié aux éditions Belle Lettre. 


Le fait le plus remarquable, c'est qu'on datait les événements d'après les Jeux olympiques

Il note aussi que chacun des grands jeux panhéléniques était consacré à un Dieu. À Delphes, c'était Apollon, à Olympie et à Némée, c'était Zeus, à Corinthe, c'était Poséidon. « Ca commençait par toute une série de sacrifices aux dieux. Et ça se terminait par une immense procession ».

Des personnalités qui se dépassent et qui nous dépassent 

"Il a des ressources psychologiques qui lui permettent de se transcender quand ça fait mal et quand d’autres lâchent. Ça a commencé à ses 15-16 ans sur des compétitions » a déclaré Nicolas Castel, le coach de Léon Marchand, médaille d’or du 400 mètres 4 nages aux Jeux olympiques 2024. La question du dépassement des limites revient souvent chez les sportifs. « Il y a quelque chose de l’ordre de la confrontation à la mort » note Raphaël Verchère, professeur de philosophie,  citant la lettre de François Pétrarque, poète du XIVème siècle, grimpant le Mont Ventoux souffrant et pensant à son Salut.

Il y a quelque chose de l’ordre de la confrontation à la mort

Evoquant l’ascèse des sportifs, il rappelle les travaux en sociologie du sport, proches de ceux menés par Max Weber, affirmant les parentés entre esprit du capitalisme et éthique protestante. « Et on s'est aperçu que dans ces années 60, les protestants étaient surreprésentés dans certains sports qu'on pourrait appeler les sports ascétiques, comme par exemple l'athlétisme, comme la natation »

Une communion civique…pacifiante ?  


Au-delà de ces grands moments collectifs, les jeux olympiques peuvent-ils conduire à une sorte d’émulation pour toute la société ? « C'était le pari de Coubertin quand il rénove les Jeux Olympiques. Pour lui, le sport est pyramidal : en haut il y a les athlètes olympiques, et il faut ces élites pour que même la masse décide de pratiquer. Comme une sorte de diffusion de la spiritualité sportive » dit Paul Demont. 

Ces nouveaux Olympiens que sont les sportifs ont une aura comme les stars de cinéma dans les années 60


Sans aller jusqu’à parler de religion civile, il y a une forme de participation des communautés. Jean-Claude Soulages, sémiologue des médias et professeur émérite à l'université Lyon 2, membre du centre de recherche Max Weber, note que « ces nouveaux Olympiens que sont les sportifs ont une aura comme les stars de cinéma dans les années 60. Chaque pays regarde son équipe, la communauté nationale est réactivée ». L’auteur de “50 ans de publicité à la télévision, le consommateur, ses avatars, ses imaginaires” aux Presses universitaires de Rennes poursuit « c’est ce que le sociologue comme Norbert Elias annonçait, c'est-à-dire une espèce de dissipation de la violence dans le social. L’extrême, l’affrontement, le héros fonctionne comme une espèce de catharsis, de pacification ».

Marketings et messages 


A ces parallélismes évidents entre religion et sport, Raphaël Verchère met un bémol. « Il faut se méfier de faire une forme de réductionnisme un peu trop hâtif dans ces rapprochements. Le sport moderne marque une rupture, une forme d'affranchissement du temps religieux » ajoute t-il pour évoquer la sécularisation et « la religion athlétique » selon les mots de Pierre de Coubertin, fondateur des Jeux olympiques contemporains. 

Le sport moderne marque une rupture, une forme d'affranchissement du temps religieux

 

Ce qui est montré des Jeux olympiques dépasse largement l’aspect sportif, et peut bousculer « des modèles, des attitudes. Par exemple, des femmes qui vont jouer en short lors de la compétition, ça peut interpeller des habitants d'un autre pays.  Il y a un certain nombre de normes qui circulent derrière toutes ces images. Il ne faut pas penser que c'est simplement du marketing » rappelle Jean-Claude Soulages.  

 Il y a un certain nombre de normes qui circulent derrière toutes ces images.

Il est possible de lire l’histoire du sport au XXème siècle comme celui de sa démocratisation. « A la fin du fin XIXe, début XXe, le sport s’adresse finalement uniquement à des jeunes hommes. blancs, bourgeois, citadins, et on pourrait même dire hétérosexuels, en bonne santé, européens. Et ce modèle explose pendant tout le long du XXe siècle pour inclure de plus en plus de personnes » souligne Raphael Verchère, auteur de "Sport et Mérite, histoire d'un mythe et Philosophie du triathlon" aux Editions du Volcan. Au-delà de la participation des femmes, « la plupart des participants sont loin d'être millionnaires, parfois même proche du seuil de pauvreté ».
 

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