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"Mon Père" de Grégoire Delacourt

RCF,  - Modifié le 21 février 2019
Chaque jeudi Christophe Henning vous présente un livre.
Fanny Cohen MoreauFanny Cohen Moreau

Grégoire Delacourt nous a attendri et nous a fait rire avec ses précédents romans, L’écrivain de la famille, La liste des mes envies, La femme qui ne vieillissait pas… Aujourd’hui, c’est un sujet grave et douloureux qu’il aborde, en évoquant l’agression sexuelle d’un enfant par… un prêtre. Oui, je sais, ce sujet nous fait mal, mais aujourd’hui, c’est le pape lui-même qui nous exhorte à regarder ce fléau sans faiblesse. Alors même qu’il réunit durant quatre jours des évêques du monde entier à Rome, que le film Grâce à Dieu est sorti sur les écrans hier, je n’ai donc pas reculé devant l’épreuve que peut représenter la lecture de ce roman.

Car c’est bien un roman : la fiction apporte ici un autre regard que les livres de témoignages. Le roman nous entraîne dans la complexité des acteurs de ce drame, et Grégoire Delacourt nous entraîne dans des scènes difficilement soutenables, mais qui sont d’autant plus justes que tout est dit entre les personnages.

N’y a-t-il pas une certaine complaisance à faire de ce drame un sujet de roman ?

Je ne crois pas… De livre en livre, Grégoire Delacourt explore les joies et les peines qui peuvent surgir au cœur des familles, et il y a parfois des drames. C’est fois-ci, c’est la situation du père de la victime qu’il met en évidence. Face à la violence qu’a endurée son fils, l’homme est traversé par l’incompréhension, l’effroi, le désir de vengeance… Pourquoi ? Pourquoi son fils Benjamin ? Le père s’en veut de n’avoir rien vu, de n’avoir pas compris : "Nous savions et nous n’avions rien dit parce que dire c’est faire exister l’horreur".

C’est aussi le prêtre agresseur qui est présent dans ce roman…

Un prêtre sommé de s’expliquer, qui n’en mène pas large : "vous n’avez pas idée de notre impossibilité à gérer la sensualité", confesse-t-il. Je ne veux pas dévoiler l’intrigue – c’est un roman, je le rappelle. Mais il y a une réelle profondeur dans le huis-clos imaginé par l’auteur, entre le père de la victime et le prêtre, sans oublier l’aveuglement qui saisit les paroissiens, prompts à défendre aveuglément leur pasteur. Et que faire de la dimension sacrée : Abraham le premier n’était-il pas prêt à sacrifier son fils Isaac ? C’est un roman noir, mais nécessaire. "Le silence raconte toujours une immense souffrance, c’est pourquoi il est tellement difficile à briser" : la littérature peut aussi y contribuer.

« Mon Père », de Grégoire Delacourt est publié aux éditions Lattès. 

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