Le troisième procès de Paul François contre Monsanto s’ouvre mercredi 6 février devant la cour d’appel de Lyon.
Depuis 12 ans, cet agriculteur de Charente intoxiqué par un pesticide en 2004 a entamé un bras de fer juridique sans concession avec la multinationale. Un procès essentiel pour la reconnaissance de la responsabilité des industriels. L’histoire commence le 27 avril 2004, Paul François vient d'épandre dans son champ du Lasso, un puissant herbicide.
L’agriculteur ouvre la cuve de son pulvérisateur pour vérifier qu'elle est vide. Mais avec la chaleur, le pesticide s'est évaporé. Paul François inhale le gaz toxique. Il tombe dans le coma et subira près de 200 jours d’hospitalisation. Sa maladie sera reconnue comme maladie professionnelle en 2010. Il décide ensuite d’attaquer en justice le géant américain.
En 2012, Monsanto est jugé responsable de son intoxication et condamné à l'indemniser. Une première mondiale à l’époque. La multinationale fait alors appel et le jugement est confirmé en 2015. Mais le 7 juillet 2017, la Cour de Cassation annule cet arrêt pour des questions de procédures. Aujourd’hui, Paul François souffre toujours, entre autres, de lésions neurologiques, immunitaires et rénales et de violents maux de tête. Il se dit confiant mais l'homme est fatigué par la procédure et les pressions de la multinationale.
Des pressions que connait bien Marie-Monique Robin, documentariste et auteure de plusieurs films et enquête sur Monsanto. Elle relève aussi qu’en plus d’une décennie les actions en justice contre la multinationale se sont accentuées pour différents pesticides. Comme le jardinier américain Dewayne Johnson, atteint d’un cancer après avoir épendu pendant des années du glyphosate, et qui s’est vu accordé des millions de dollars par la justice américaine.
Le combat de Paul François depuis 12 ans n’est pas isolé, il est même devenu un exemple et un moteur pour d’autres. Lui-même a constitué une association de défense pour les personnes atteintes par des pathologies en lien avec des pesticides baptisée Phyto victimes. Des élus le soutiennent également. C’est ainsi qu’est né une proposition de loi sénatoriale pour la création d’un fonds d’indemnisation pour les victimes. La sénatrice de Charente, Nicole Bonnefoy, a porté ce texte adopté il y a un an au Sénat.
Car du coté de l’Assemblée nationale ça coince. Jeudi dernier la proposition de loi amendée était bien à l’ordre du jour mais en pleine nuit, et elle n’a pas pu être examinée faute de temps. Un ordre du jour fait pour que cela capote, pour certains députés. C'est notamment l'avis de Nicole Bonnefoy, qui n’est pas vraiment surprise. Paul François, lui, ne décolère pas. Ce dernier, et ses soutiens, estiment que si la justice lui donne raison, cela mettrait la pression sur les politiques à agir pour engager des actions concrètes en matière de santé protections face aux pesticides.
RCF a joint le groupe Bayer. Son service communication a poliment indiqué ne pas vouloir s’exprimer sur ce dossier avant la décision de la cours. Le groupe Bayer se dit toutefois "attaché à une juste compréhension des situations". L’industriel précise aussi que selon lui, l’utilisation de produits phytosanitaires ne présente pas de risque pour la santé humaine lorsque ceux-ci sont utilisés dans les conditions d’emploi définies dans le cadre de leur autorisation de mise sur le marché.
L’audience est prévue cet après-midi devant la cours d’appel de Lyon. La proposition de loi pourrait revenir dans les tuyaux à l’automne prochain. Quant au Lasso qu’utilisait Paul François en 2004, il a finalement été interdit en 2007 en France. Le Canada avait choisit de le faire des 1985, la Belgique et au Royaume-Un en 1992.
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