L’incendie de Notre-Dame c’était il y a tout juste un mois. Le brasier est maintenant éteint, l’émotion est retombée et les polémiques sur la reconstruction ne cessent d’enfler. Olivier de Chalus est historien, spécialiste de la cathédrale, ingénieur des BTP et porte parole de l’association des scientifiques au service de la restauration de Notre-Dame.
Il termine une thèse commencée il y a six ans sur l’histoire du chantier médiéval de Notre-Dame et était jusqu’à récemment le responsable des guides bénévoles de Notre-Dame. Au moment de l’incendie, Olivier de Chalus est resté sur le parvis de la cathédrale « sans rien pouvoir dire ». Il explique avoir été en état de sidération pendant quatre ou cinq jours après le sinistre, mais aujourd’hui il explique vouloir « regarder vers l’avant » pour que la restauration se passe le mieux possible.
Sur les critiques qui ont été faites concernant les failles de sécurité à la cathédrale, l'historien spécialiste de Notre-Dame explique que tout « fonctionnait très bien » dans les équipes chargées de la préservation du monument.
Olivier de Chalus n’a pas encore pu accéder à Notre-Dame, alors que se tiennent en ce moment les opérations de sécurisation de la cathédrale. Il s’agit notamment de consolider les voûtes qui risquent de tomber, de sécuriser les vitraux et de prévenir les risques d’infiltration.
« La cathédrale est connue de tout le monde sur la planète, mais finalement elle est mal connue des chercheurs », explique Olivier de Chalus qui découvrait encore des choses qu’il n’avait jamais vues après onze ans de fréquentation de Notre-Dame. Paradoxalement, l’incendie a permis de faire de nouvelles découvertes, notamment « des peintures sur les voutes », observées grâce à des relevés photographiques haute définition.
un travail interdisciplinaire
L’association des scientifiques au service de la restauration de Notre-Dame a permis à des chercheurs issus de domaines de recherche assez différents de travailler ensemble. Une diversité de points de vue qui va être d'un grand secours pendant les travaux. Olivier de Chalus donne comme exemple la construction des échafaudages.
La restauration va nécessiter de construire des « échafaudages de grande ampleur » à l’intérieur, les voûtes se situant à plus de trente mètres au dessus du sol. Il faudra également des échafaudages deux fois plus hauts à l’extérieur du bâtiment qui auront besoin de fondations pour supporter leur poids. Au cours de son travail de thèse, Olivier de Chalus a découvert des fondations médiévales préexistantes, qui n’ont jamais été utilisées et qui pourront servir pour la restauration. Une méthode qui permettrait aussi de préserver les terrains archéologiques existants.
Préserver le patrimoine en dérogeant aux règles de l’archéologie préventive comme le prévoit le projet de loi sur la restauration est risqué. En effet, l’île de la Cité est fréquentée depuis au moins 7000 ans, des fouilles ont notamment permis de découvrir des pirogues datant du cinquième millénaire avant Jésus-Christ. Dans un contexte urbain « très dense et très riche depuis le IVème siècle », il n’est pas exclu de faire de nouvelles découvertes.
Pour Olivier de Chalus, la question à se poser aujourd’hui n’est pas encore celle de la restauration, mais d’abord celle de la préservation. « Il va falloir prendre le temps » de faire les choses correctement, explique l’historien afin de refaire de Notre-Dame de Paris « un objet patrimonial ». Sa seconde priorité en tant que chrétien est de « refaire de Notre-Dame de Paris une église », et il faudra veiller à ce que les considérations patrimoniales ne prennent pas le pas sur le rôle liturgique de la cathédrale.
Olivier de Chalus n’a pas été surpris par les sommes d’argent importantes qui ont été récoltées pour la restauration de l’édifice, tant la cathédrale est un symbole central à l’échelle du monde. Il déplore cependant que la recherche française ne soit toujours pas suffisamment financée.
Sur le délai de cinq ans qui a été annoncé par Emmanuel Macron, Olivier de Chalus estime qu’il permet de faire « beaucoup de choses » mais qu’on pourra « difficilement tout faire » pendant ce laps de temps. Il faudra aussi définir quels sont les objectifs que l’on souhaite atteindre durant cette période.
Pour impliquer le public, il est important de communiquer sur les travaux, les scientifiques au service de la restauration de Notre-Dame de Paris ont d’ailleurs mis en place un site internet sur lequel ils publient régulièrement des articles.
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