Ce lundi 7 octobre, le président de la Conférence des évêques de France (CEF), Éric de Moulins-Beaufort, a listé 11 affaires d’agressions sexuelles visant des évêques, pour certains encore en activité. Le cardinal Ricard, ancien président de la CEF, a admis avoir agressé une jeune mineure il y a 35 ans… Alors un an après le déluge du rapport de la CIASE, est-ce un nouveau tsunami qui secoue l’église catholique, à présent que ses évêques eux-mêmes sont mis en cause ? Fait-on un pas vers la vérité et le pardon ? On en parle avec Marie-Jo Thiel, professeure d’éthique à la faculté de théologie de Strasbourg .. elle était présente à Lourdes pour la conférence.
RCF Alsace. Nous avons l'impression d'avancer cette semaine avec des aveux venant des plus hautes autorités de l'Eglise. C'est difficile à entendre mais peut-être que la dénonciation de ces comportements est nécessaire.
Marie-Jo Thiel. Absolument. C'est tragique. C'est un vrai tsunami. Il faut, d’abord, penser à toutes les victimes qui n'ont pas été entendues, qui ont porté cela au plus profond d'elles, et ce, pendant des années, avec un traumatisme aigu ou un traumatisme au long cours. Dans tous les cas, on n'oublie jamais quand on a été abusé. En même temps, il faut noter un progrès : cette fois-ci, c'est une conférence de presse, par monseigneur Eric Demoulin Beaufort, qui a communiqué tout ce qu'il savait. C'est la première fois qu'il y a une communication officielle, c'est quelque chose d’encourageant.
RCF Alsace. Ces aveux ne sont pas toujours volontaires, il y a cette sorte de pression des fidèles. Mais surtout les noms dont on dispose aujourd'hui sont des noms qui étaient déjà sortis, par le passé, dans la presse.
Marie-Jo Thiel. Certains oui, mais pas tous. Nous attendons aussi la suite. Je ne sais pas quand est ce que ça sera rendu public. Il est certain que c'est souvent sous l'influence de la presse que les évolutions se font.
RCF Alsace. Le rapport de l’ACIA nous donne à penser que les choses avancent. Pensez-vous que c’est l’aspect systémique de ces agressions sexuelles qui fait désormais avancer l'Eglise ?
Marie-Jo Thiel. Clairement, je n'ai entendu aucune remise en cause de cette analyse du systémique, de la place de ce fonctionnement qui suit les organisations. La culture organisationnelle lorsqu’on cache, lorsqu’on a des abus, lorsqu’on ne parle pas, lorsqu’on est dans la non-transparence, lorsque les pouvoirs ne sont pas séparés, etc. On connaît tous les problèmes. Cela donne des effets négatifs en cascade et je crois qu'ils l'ont compris. L'affaire Santé, c'est une déflagration en cascade, elle réunit tous les problèmes. Elle réunit des problèmes de gouvernance, de transparence, de responsabilisation des différents interlocuteurs, de secret qui n'était pas complètement justifié, de non mise à disposition des différents éléments d'une sanction au niveau du droit canonique qui était trop légère alors qu'elle n'est en cause non seulement des abus, mais en plus les sacrements de l'Eglise, la confession, l'Eucharistie, etc. Elle interroge également le fonctionnement des nouvelles communautés dont on sait qu'elles ont eu des abus en leur sein, au moins pour certaines d'entre elles.
RCF Alsace. Merci Marie-Jo Thiel
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