Le tribunal de grande instance de Paris examine jeudi 22 septembre l'audience en référé sur la procédure engagée par 5 administrateurs d'EDF, représentant les salariés du groupe, pour obtenir des documents supplémentaires sur le projet d'Hinkley Point. Le lancement du projet a été approuvé par le gouvernement britannique une semaine auparavant. Nicolas Mazzucchi chercheur associé à l'IRIS (institut des relations internationales et stratégiques), géo-économiste, spécialiste des questions énergétiques et fondateur de Polemos consulting, donne des précisions sur cette question de l'EPR (réacteur préssurisé européen).
Concernant l'audience du 22 septembre, Nicolas Mazzucchi indique : "Hinkley Point, c'est un projet colossal, multinational, avec des questions de financement pas toutes résolues pour le moment, donc le moindre petit grand de sable au niveau juridique peut freiner le projet." Il poursuit : "la construction de grandes centrales nucléaires est toujours un pari financier. Le montage financier est complexe, surtout pour une entreprise endettée comme EDF, donc le pari peut sembler risqué. Mais EDF est adossé à l'Etat français et détient le monopole de l'électricité en France, donc l'entreprise a de la ressources."
Nicolas Mazzucchi estime que tout va dépendre des détails du montage financier. "Le gouvernement britannique a donné son accord et ses conditions, maintenant, il faut monter le contrat avec le partenaire chinois." Le chercheur voit d'ailleurs l'entreprise chinoise China General Nuclear Power (CGN) comme la mieux placée dans l'accord tripartite sur la construction des EPR d'Hinkley Point. "Elle apporte son soutien financier à EDF qui en a besoin, et une partie de la construction de la centrale à la Grande-Bretagne, qui le nécessite également", précise Nicolas Mazzucchi. L'entreprise chinoise finance en effet un tiers du chantier d'Hinkley Point.
EDF va devoir débourser environ 16 milliards d'euros pour le chantier britannique. La question de la rentabilité se pose donc. Nicolas Mazzucchi se veut rassurant : "la construction de centrale nécessite un coût pharaonique mais derrière, il y a une véritable rentabilité. Les coûts sont très visibles dans le nucléaire, plus que dans les énergies renouvelables, où la production fluctue en fonction des conditions météo. Le modèle de rentabilité du nucléaire est très fiable et très résilient", détaille le chercheur.
Les déboires de la construction de l'EPR de Flamanville ne devraient pas non plus se répercuter sur le chantier d'Hinkley Point. "L'EPR constitue un saut technologique dans la mesure où il correspond au premier modèle de centrale 3ème génération plus", explique Nicolas Mazzucchi. "On apprend en marchant sur ce type de construction", ajoute-t-il. "On constate des retards à Flamanville ou en Finlande parce que ce sont les premiers chantiers. Mais en Chine les EPR en construction n'ont pas ce genre de problèmes. Les ingénieurs apprennent beaucoup sur les chantiers existants donc on peut espérer de façon réaliste que les choses se déroulent mieux à Hinkley Point qu'à Flamanville.
Interrogé sur le cas du chantier de Flamanville, Nicolas Mazzucchi n'est pas surpris. "Areva a un certain nombre de soucis, donc la situation à Flamanville n'est pas très étonnante. Heureusement, l'Agence de Sureté Nucléaire (ASN) fait des vérifications et sert de garde-barrière. Elle constitue une grande force sur sa chaine nucléaire française." Concernant l'avenir de la filière, le chercheur se montre optimiste : "avec l'arrivée des EPR chinois et Hinkley point, les contrats servent d'amorçage. Si les réacteurs marchent, cela va donner un vrai coup de pouce au nucléaire français."
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