Une première phase d’étude a été menée en ce début d’année par l’OMS et les autorités chinoises. Le 29 mars dernier, les experts ont affirmé que la transmission du virus à l’homme par un animal intermédiaire était une hypothèse "probable" à "très probable". Celle d’un accident de laboratoire "extrêmement improbable". Mais rien n’a été formellement attesté. Et les pistes d’enquête ne sont pas satisfaisantes pour le patron de l’OMS. Lui-même réclame une nouvelle enquête. Et déplore les difficultés des experts internationaux pour accéder aux données brutes de la Chine.
Plusieurs chefs d’Etat demandent aussi de poursuivre l’enquête. Le président américain Joe Biden donne 90 jours à ses services de renseignement pour lui remettre un rapport sur les origines du Covid.
Même du côté scientifique, la pression s’intensifie. Plusieurs scientifiques ont publié une tribune dans la revue médicale Science pour n’écarter aucune piste. Trouver les origines du Covid permettrait d’éviter une telle pandémie à l’avenir. "Il faut qu’on comprenne les chaînons manquants qui existent entre des virus clairement identifiés chez les chauve-souris et les souches virales qui ont émergé à Wuhan. Si on les identifie, on pourra mettre en œuvre des contre mesures. Si c'est une zoonose, des mesures de surveillance adaptée. S'il s'agit d'un virus qui aurait transité par un laboratoire, ça impliquera qu'il va falloir revoir les normes de sécurité dans lesquelles on travaille sur ces virus", affirme Etienne Decroly, virologue et directeur de recherche au CNRS.
Plusieurs hypothèses sont donc en jeu : celle d’une zoonose, une transmission du virus à l’homme par l’intermédiaire d’un animal. C’est l'hypothèse la plus plausible selon Yves Gaudin. "On sait que l’origine du virus est naturelle. Avec soit un passage par un animal intermédiaire depuis un virus de chauve-souris et ensuite passe chez l'homme, pour l’instant cet animal n’est pas identifié. Soit le virus de la chauve-souris qui est passé directement chez l’homme", affirme le virologue, directeur de recherche au CNRS, qui travaille à l’Institut de biologie intégrative de la cellule à Paris-Saclay.
L'autre hypothèse un peu plus inflammable est celle de l’accident de laboratoire. Certains y voient une frontière mince avec le complotisme et l’idée selon laquelle le virus aurait été fabriqué. Il s'agit d'une fausse information. En revanche, la piste d’un accident de laboratoire est à prendre au sérieux selon des scientifiques reconnus. Il y a dans la ville de Wuhan, berceau de l’épidémie, un institut de virologie où des virus sont étudiés. "Il y avait une surveillance importante de ces virus qui visaient à identifier des nouveaux virus potentiellement infectieux chez l'homme. [...] On sait très bien que ces travaux se faisaient dans des laboratoires de biosécurité de niveau 2 et 3 et on sait qu'il peut y avoir des contaminations des personnels qui travaillent sur ces virus", précise le virologue Etienne Decroly.
La Chine coopère difficilement avec l’OMS. Les données ne sont pas toutes accessibles. Les experts sont en majorité des Chinois. Le pays ne les autorise pas forcément à coopérer pleinement avec leurs homologues étrangers. "La question qui se pose ce n’est pas le professionalisme des experts chinois, c’est de savoir si les autorités politiques chinoises autorisent les experts à coopérer pleinement", affirme Antoine Bondaz, chercheur à la Fondation pour la recherche stratégique, spécialiste de la Chine.
C’est une façon pour la Chine de continuer son récit national sur cette pandémie. Et aller vers l'hypothèse d’un accident pourrait être un aveu de faiblesse. "L’enjeu pour la Chine est de faire la lumière sur l’origine de la pandémie mais de faire une lumière qui n’irait pas à l’encontre des intérêts de la Chine, des pratiques chinoises", précise Antoine Bondaz.
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