Au terme d’un long marathon à Bruxelles, les Vingt-Sept se sont mis d’accord sur un plan de relance post-Covid d’un montant de 750 milliards d’euros sur 7 ans. "C’est historique, en ce sens que la commission européenne, pour la première fois dans l’histoire de l’Union européenne, va emprunter des fonds sur les marchés internationaux. Sur ces 750 milliards d’euros, 390 milliards d’euros seront des subventions qui seront versées directement aux pays de l’Union européenne, dont les pays qui ont le plus souffert ,comme l’Italie, la Grèce, l’Espagne et la France et qui seront remboursés directement par l’Union européenne", explique Patrick Martin-Genier, spécialiste des questions européennes et internationales, qui enseigne le droit public à l'Institut d'études politiques de Paris, au micro de Clotilde Dumay.
Alors que la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen avait appelé à avancer vers"un compromis constructif" , il s’agit au final, pour Patrick Martin-Genier, d’un accord intéressant, mais à minima. "Par rapport à la proposition franco-allemande, qui était de l’ordre de 500 milliards d’euros pour des subventions, on tombe à 390 milliards d’euros. Ce sont des fortes concessions qui ont été faites aux pays du Nord, notamment les pays baltes, le Danemark, la Suède et l’Autriche qui ne souhaitaient pas augmenter la dette de l’Union européenne. Pour obtenir cet accord qui reste historique, nous sommes passés sous les fourches caudines des pays dits frugaux, qui ont posé leurs conditions".
Les conclusions écrites de cet accord permettront de préciser les modalités adoptées pour bénéficier de ces subventions. " Il faudra voir de quelle façon il y aura une conditionnalité des subventions et des prêts par rapport au respect de l’Etat de droit, notamment en Hongrie et en Pologne".
"C’est un véritable tournant puisque c’est l’histoire de l’Union européenne qui évolue. Jamais auparavant la Commission européenne n’avait emprunté des sommes sur les marchés internationaux. C’est un pas vers une meilleure solidarité bugdétaire, une sorte de mutualisation des dettes qu’à l’origine certains pays ne souhaitaient pas, observe Patrick Martin-Genier. C’est une étape historique même si cela a été extrêmement difficile d’accoucher de cet accord".
Les divergences entre les Etats restent bien présentes néanmoins. "C’est l'un des sommets les plus longs de l’histoire de la construction européenne. On a beau essayer de gommer les divergences, elles demeurent", observe l’auteur de "L’Europe a-t-elle un avenir ?" (éd. Studyrama), qui relève aussi les divergences sur la répartition du budget européen sur la période 2021-2027. Les modalités de répartition des subventions pourraient également provoquer des débats au Parlement européen.
"La solidarité allemande a été très importante mais une des grandes leçons à tirer de ce sommet européen, c’est que si le couple franco-allemand n’est pas d’accord, rien ne se fait, mais cette cohésion franco-allemande à elle seule n’est pas susceptible d’entraîner la machine de l’Union européenne. Il faudra désormais compter avec l’ensemble des autres pays de l’Union européenne", analyse Patrick Martin-Genier.
Les divergences se sont étalées pendant presque 5 jours à Bruxelles, montrant des différences fondamentales entre les partisans d’une Europe intergouvernementale et ceux qui souhaitent approfondir la construction de l’Union européenne. "Ce qui'il s’est passé devrait nécessiter un approfondissement de l’UE notamment sur le plan social, le plan de la santé, en ayant une réflexion approfondie sur l’Europe politique et la signification de la construction européenne", conclut le spécialiste de l'Europe.
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