Une église n'a-t-elle d'intérêt que patrimonial ? Récemment, Roselyne Bachelot, ancienne ministre de la Culture, a déclaré qu'il y a un "patrimoine cultuel du XIXe siècle" qui n'a "pas un grand intérêt". Suggérant qu'il allait falloir choisir entre les églises que l'on restaure et celles que l'on rase. Des propos qui ont fait polémique. Pour Benoît de Sagazan, directeur de l'Institut Pèlerin du patrimoine, les églises sont aussi des lieux de sociabilisation.
Jeudi 5 janvier dans l’émission C à vous, sur France 5, Roselyne Bachelot a déclaré : "Il y a un patrimoine cultuel du XIXe siècle qui n’a pas un grand intérêt." Des édifices qu’il faudra se résoudre à raser. "Ou alors, a ajouté l’ancienne ministre de la Culture, il faudra que les citoyens qui sont intéressés se prennent par la main et décident : cette église on va la sauver. Mais on ne pourra pas demander à l’État." Des propos qui ont fait vivement réagir.
"Je trouve cette déclaration très triste, déclare Benoît de Sagazan sur RCF, ce qui me désole c’est que d’abord, on attaque les églises du XIXe siècle qu’on qualifie de sans intérêt, alors qu’aujourd’hui au contraire on redécouvre ce XIXe siècle, ses prouesses architecturales, la qualité souvent de ses décors..." Le directeur de l’Institut Pèlerin du patrimoine regrette de voir l’ancienne ministre de la Culture raisonner "en termes budgétaires sans comprendre que les Français sont terriblement attachés à leurs églises".
"Il y a des églises qui ont une forte connotation affective parce qu’on s’est marié dedans, on a baptisé les enfants, on a enterré son grand-père ou son père", a aussi déclaré Roselyne Bachelot. Mais elle prévient : "ce sont des dizaines de milliards qu’il va falloir mettre dans le patrimoine". Selon elle, il va donc "falloir choisir" quels édifices on veut sauver. Or, de son côté, Benoît de Sagazan rappelle que "très peu d’églises sur les 42.500 rattachées au culte sont inscrites au monuments historiques, donc L’État intervient finalement assez peu sur les églises communales".
Une église entretenue régulièrement, ça coûte pas si cher que ça et ça évite d’avoir un chantier pharaonique
"Ce que je constate c’est que ne sont pas les communes les plus pauvres qui entretiennent le moins bien leur patrimoine et que ce n’est pas les communes les plus riches qui le font le mieux", analyse Benoît de Sagazan. Pour lui, c’est surtout une question de "volonté" - "la volonté elle précède toujours les moyens", dit-il. Le directeur de l’Institut Pèlerin du patrimoine rappelle qu'un certain nombre de communes "ont réussi à restaurer leur église" grâce à "des chantiers bénévoles et des chantiers d’insertion".
Autre solution : mutualiser l’entretien du patrimoine. Un système qui fonctionne aux Pays-Bas, en Allemagne ou en Angleterre. "On devrait faire comme nos voisins de mutualiser l’entretien du patrimoine religieux", estime Benoît de Sagazan. Ce que fait déjà par exemple le département des Yvelines. "Il mutualise l’entretien de toutes les églises rurales de son département, ce qui fait qu’il y a un reste à charge pour les communes qui est très faible." Il conclut : "Une église entretenue régulièrement, ça coûte pas si cher que ça et ça évite d’avoir un chantier pharaonique d’un million, deux millions ou trois millions d’euros."
Si les églises souffrent, c’est parce qu’elles sont trop souvent fermées
Si la question se pose de la restauration des lieux de culte, il y aussi celle aussi de leur usage. Un rapport sénatorial sur l’état des églises en France publié au mois de juillet 2022 disait qu'il faut "resocialiser" les lieux de culte. Dans certaines communes rurales, les églises restent la plupart du temps des lieux clos. "Si elles souffrent, observe Benoît de Sagazan, c’est parce qu’elles sont trop souvent fermées, il convient aujourd’hui de savoir les faire vivre, et peut-être en les ouvrant à des usages partagés qui soient compatibles avec le culte."
En dehors des célébrations, les églises pourraient accueillir des étudiants pour réviser leurs examens, suggère Benoît de Sagazan, ou devenir temporairement une épicerie solidaire, un lieu de rencontre pour les plus démunis… D'ailleurs si l’on regarde les représentations anciennes de nos églises on constate que c'étaient des lieux de sociabilité, on y voit des enfants jouer et même des chiens courir !
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