Chaque année, Les Petits Frères des Pauvres dressent un triste bilan : celui des morts solitaires. Des hommes et des femmes qui décèdent dans l’indifférence générale, à tel point que l’on ne réalise leur disparition que des semaines ou des mois plus tard. Le symptôme d’une société qui s’enlise dans l’isolement.
Aix-les-Bains, Cherbourg, Melun, Vienne… En 2023, une vingtaine de personnes âgées ont été retrouvées inanimées, chez elles, des mois, voire des années, après leur décès.
Des “drames du quotidien” dont les journaux locaux se font parfois le relais. "Découverte d'un corps momifié : la mort naturelle confirmée" écrivait ainsi le Dauphiné Libéré lorsqu'en août 2023, un habitant d'Aix-les-Bains était retrouvé, dans son appartement, près d'un an après son décès.
Mais Isabelle Senecal, chargée de plaidoyer pour l’association Les Petits Frères des Pauvres, en est convaincue, les morts solitaires sont bien plus nombreuses que ce que l'on peut lire. “Ça fait plusieurs années que l’on alerte sur une hausse grandissante de l'isolement” commence-t-elle. “La mort sociale, c’est de ne pas avoir de contact avec sa famille, avec ses amis. Et les morts solitaires (...) c'est vraiment la conséquence de cette mort sociale”.
Le cas du monsieur à Aix-les-Bains, ce sont des amis qui se sont manifestés un an après !
Aujourd’hui, l’association pointe plusieurs raisons à ces morts solitaires toujours plus nombreuses : vieillissement de la population, éloignement géographique des proches, discrimination envers les aînés… Un triste cocktail qui conduit à des disparitions dans l’indifférence générale. “De plus en plus de personnes vivent seules” explique Isabelle Senecal. “On se demande comment cela peut être possible que ces personnes soient tellement invisibles que, même dans la mort, elles le sont”.
Face à ces décès indignes, Les Petits Frères des Pauvres en appelle aux pouvoirs publics. “C'est important de coordonner tous les acteurs, autour des personnes âgées, pour mieux repérer les phénomènes d’isolement” insiste la chargée de plaidoyer de l’association. Mieux communiquer entre médecins, élus de proximité, bailleurs... pour connaître la situation de chacun.
Et quand la mort est déjà là, il faut lutter pour éviter qu’on ne la découvre des mois plus tard, explique Isabelle Senecal. “On demande une expérimentation avec les fournisseurs d’électricité pour alerter quand il n’y a plus de consommation ou avec les établissements bancaires quand il n’y a plus de mouvement sur le compte. C’est ce qui se fait au Japon”.
De manière générale, l’association souhaite voir la société retisser un lien social qui s’est amenuisé au fil des ans. “Ça peut être d'aller frapper à la porte de son voisin quand on ne l'a pas croisé depuis quelques jours” explique Isabelle Senecal. “Prendre des nouvelles quand on est commerçant”.
Qui que l’on soit, chacun à sa part à prendre dans la lutte contre l’isolement de nos aînés.
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