Avec d'autres associations nous nous sommes coalisées et réfléchissons à des mesures politiques simples. La première, qui sonne comme une évidence : une politique publique ambitieuse de prévention, comme cela a pu être fait auparavant avec l'alcool ou le tabac par exemple.
Mais une telle politique nécessite en amont un cap clair basé sur le constat assumé des effets dramatiques de la surexposition des enfants aux écrans. Et il semble que, malheureusement, il reste encore du chemin. En effet, loin de constituer une priorité pour nos autorités publiques, la prévention est à ce jour très largement secondaire par rapport à l'objectif central : la numérisation de l'éducation. D'où notre seconde proposition, tout aussi simple : mettre fin à cette numérisation à tout crins.
Localement, en réponse aux demandes du terrain, des financements sont apportés par le département des Bouches-du-Rhône, la métropole Aix-Marseille et l'État, permettant à mon association, d'intervenir dans les collèges et les centres sociaux. Nous animons des ateliers de sensibilisation pour les enfants, les adolescents et les parents, nous jouons au jeu "Planète déconnexion" spécialement conçu à cette fin (et d'ailleurs disponible pour encore 5 jours seulement sur la plateforme Ulule). Nous initions ainsi une réflexion critique, une prise de conscience et, parfois, une prise de distance...
Chaque fois nous faisons la promotion de la "déconnexion", inspirés en cela par des précurseurs à qui il faut ici rendre hommage : Janine Busson, inventeuse du "Défi sans écran", et Jacques Brodeur, le charismatique québécois, qui a essaimé la méthode en France. La méthode est efficace : proposer un défi de déconnexion pendant plusieurs jours à tout un établissement, avec enseignants, élèves et parents, pour leur faire réaliser la valeur des moments sans écran. La semaine dernière un jeune qui avait relevé un défi de déconnexion nous a confié : "ça m'a fait bizarre de discuter avec mes parents"... Cela se passe, je crois, de commentaire.
D'une part nous sommes peu nombreux et manquons de moyens, et d'autre part chaque fois la même question nous est adressée : "Vous nous dites qu'il faut s'éloigner des écrans, et pourtant l'école nous en distribue, il faudrait savoir..." Que répondre face à cela ? Que les écrans c'est bien, mais à consommer avec modération, un peu comme le vin ? Pourtant, fort heureusement, nous avons arrêté de servir du vin à la cantine depuis les années 50... Rendez-vous compte du niveau d'absurdité : l'Organisation mondiale de la santé (OMS) préconise de ne pas exposer les enfants de moins de 5 ans aux écrans, et le gouvernement encourage les maternelles à s'équiper en tablettes.
On a donc besoin d'une reconnaissance pleine et entière par la force publique des impacts catastrophiques de la surexposition aux écrans. Nous proposons ces mesures simples : pas d'écran avant 5 ans, pas d'écran éducatif jusqu'à la fin de l'école primaire, fin des collèges et lycées 100% numérique, qui constituent une aberration écologique, économique et éducative.
Mais n'est-ce pas aussi le souhait de nombreuses familles, de passer à l'éducation numérique ? C'est là un enjeu clé, celui de la bataille culturelle. Le numérique exerce une véritable fascination sur nous autres humains. Nous ressentons cette "honte prométhéenne" dont parle le philosophe allemand Gunther Anders face à cette extraordinaire technologie.
Alors rappelons ici à toutes fins utiles que les patrons de l'industrie numérique, dans la Sillicon Valley, maintiennent leurs enfants à l'écart des écrans jusqu'à 14 ans pour les protéger. Et souhaitons, pour la nouvelle année à venir, que les consciences s'éveillent et que les yeux se lèvent enfin des écrans...
Chaque lundi à 7h20 dans la matinale, Thierry Magnin et Amarù Cazenave décryptent pour nous l'actualité du numérique.
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