11.000 prêtres sont aujourd’hui au service des diocèses en France. Deux fois moins qu'il y a vingt ans. Et la tendance à la baisse ne fait que se confirmer, vu le peu de séminaristes. En face, ou plutôt à côté : probablement 9.000 laïcs qui ont reçu une lettre de mission d’un Evêque. Ces catholiques, souvent salariés, sont maintenant indispensables au fonctionnement des diocèses, des paroisses et des différentes aumôneries. "Sans ces acteurs, qui sont quasi-exclusivement des femmes, l'Eglise ne pourrait pas assumer la catéchèse. Ni continuer à être présente dans des lieux comme l'hôpital ou la prison" souligne Céline Beraud, sociologue, spécialiste du catholicisme. Autres acteurs de l'Eglise aujourd'hui : 2.600 diacres permanents en France. Souvent des hommes, actifs ou jeunes retraités, qui connaissent une vie maritale. "Les diacres ont une vie de laïcs. Mais ils sont ordonnés, donc clercs. Cela permet d'avoir un clergé très inculturé" souligne le Père Alphonse Borras, théologien spécialiste du droit canon.
Ces trente dernières années, le visage de l'Eglise et son fonctionnement ont donc profondément changé en Europe occidentale. Dans leurs rapports, les différents acteurs ont tâtonné. Les conseils de paroisse en sont un exemple : "On s'est organisé comme dans un conseil municipal. Puis comme un lobby... Quand les lobbistes sont partis, ne restaient que les courtisans ! Nous sommes en train de comprendre qu'un conseil pastoral, c'est autre chose !" explique le Père Alphonse Borras.
Au coeur du débat : les sacrements. Seuls les prêtres peuvent célébrer la messe, recueillir une confession et donner l'onction des malades. "Dans les années 1990-2000, faute d'innovation de l'Institution, les laïcs ont commencé à bricoler en piochant dans leur boite à outil. Ils ont redécouvert les bénédictions, par exemple. Au moment où le discours du Pape Jean-Paul II est venu rappeler les prérogatives du prêtre, comme pour les rassurer" analyse Céline Béraud.
"Les bricolages se sont perpétués et affinés ! Les catholiques ont redécouvert petit à petit qu'en dehors du sacramentel, il peut y avoir des actes et des gestes posés qui ont aussi une incidence sur la vie spirituelle" soulligne le Père Alphonse Borras. Et en filigrane : les représentations mutuelles des différents acteurs. Dans l'imaginaire, le prêtre reste lié à un territoire paroissial. Avec cette image d'épinal de l'homme qui fait tout. "C'est cette image du prêtre qui est à dépasser. Le prêtre est un pasteur. Il ne peut pas et ne doit pas être responsable de tout... mais du tout ! Il doit valoriser les atouts de sa communauté et accompagner les groupes autant que les personnes" insiste le canoniste.
Serait-on à la croisée des chemins ? En tous cas, en Haute-Savoie comme dans d'autres diocèses, faute de vocations, des paroisses commencent à fonctionner sans prêtre à demeure [voir tableau ci-dessous]. Avec plusieurs enjeux : la formation commune des différents acteurs, la capacité à tirer le bénéfice des expériences réussies, et à trouver les bonnes modalités du fonctionnement synodal.
Dans le même temps, ces derniers mois, avec la révélation des scandales d’abus sexuels, la parole s’est libérée sur le fonctionnement de l’Eglise. Plusieurs questions ont été mises sur la table : le rôle des laïcs, la collégialité des décisions, la place des femmes, l’ordination des femmes ou d'hommes mariés.
"Certaines de ces questions, par exemple concernant les femmes, étaient considérées comme réservées à des militantes. Aujourd'hui, elles sont portées par des femmes qui ont une place centrale dans l'Eglise" observe Céline Béraud.
"A l'échelle d'une région, il est possible d'expérimenter. Pour les hommes mariés, notamment, ce n'est pas compliqué ! Il suffit que les évêques d'une province ecclésiastique s'accordent pour l'envisager. Et qu'ils demandent au Pape de dispenser de l'empêchement de mariage" explique le théologien. "Je pense que ce qui bloque, aujourd'hui, c'est la peur, par rapport à la disparition des vocations dans leur modalité actuelle. Ce n'est pas le droit canon".
"Le couple prêtres-laïcs reste encore très structurant pour l'Eglise" conclut la sociologue. "L'Eglise, c'est les baptisés ! Cet afflux d'autres acteurs que les prêtres a mis à jour une diversité d'engagements, de Ministères, de charges, de services. Voyons-le comme une chance !" assume le Père Alphonse Borras.
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