Ce texte est vivement critiqué par les associations, mais aussi par certains députés de la majorité. C'est cependant l'un des textes les plus importants du début d'année. L'objectif de ce projet de loi intitulé "pour une immigration maîtrisée et un droit d'asile effectif" est de réduire à six mois les délais d'instruction de la demande d'asile contre 11 mois environ actuellement. Et de faciliter, dans un second temps, la reconduite à la frontière pour les déboutés. Lors d'un déplacement à Lyon, le Premier ministre Edouard Philippe a défendu ce projet de loi.
L'objectif du gouvernement est de réduire les délais des procédures d'asile et de renforcer les reconduites pour améliorer les conditions d'accueil des migrants qui ont vocation à rester en France. A deux jours de la présentation du texte, le député de la République en Marche, Aurélien Taché, rendait un rapport dans lequel il formule 72 propositions pour favoriser l'intégration des immigrés. Et cela doit passer par l'emploi des personnes réfugiées. Car d'après Aurélien Taché, un étranger seulement sur trois trouve du travail les cinq premières années de son arrivée en France.
Il préconise notamment une hausse des heures de français et une réduction de l'interdiction de neuf à six mois. Un rapport publié au plus près de la présentation du projet de loi pour faire entendre une autre voix que la dissuasion migratoire et la facilitation des expulsions, les deux lignes directrices du texte. Des lignes directrices qui, d'ailleurs, provoquent de nombreuses critiques, notamment de la part des associations d'aide aux migrants.
Le texte, qui comprend 38 articles divisés en quatre chapitres, compte quelques avancées pour les migrants. La principale consiste à augmenter d'un à quatre ans la durée du titre de séjour des étrangers qui n'ont pas le statut de réfugié mais obtiennent quand même la "protection subsidiaire". Mais les quelques mesures positives sont écrasées par tout le reste. C'est ce qu'affirme Jean-Claude Mas, secrétaire général de la Cimade, le service œcuménique d'entraide.
Parmi les points les plus chauds, le projet de loi entend trancher les demandes d'asile "en l'espace de six mois" en France, afin d'identifier "ceux qui sont persécutés dans leurs pays" et de "renvoyer les autres". Cela passerait par différentes évolutions, comme la réduction de 120 à 90 jours du délai pour déposer une demande d'asile après l'entrée en France. Et on réduirait également d'un mois à 15 jours le délai de recours à la CNDA, la Cour nationale du droit d'asile.
Lorsqu'une personne dépose en France une demande d'asile, celle-ci est étudiée par l'Ofpra, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides. Si la requête est rejetée, le demandeur peut déposer un recours. C'est alors la CNDA, dépendante du Conseil d'Etat, qui instruit son dossier. Plusieurs syndicats de cette juridiction administrative estiment ne pas avoir les moyens de mener correctement leur mission en l'état actuel des choses. Alors, impossible de réduire les délais davantage. Car ils travaillent déjà à flux tendu. C'est ce qu'explique Sébastien Brisard, rapporteur à la CNDA et secrétaire général du Syndicat indépendant des personnels du Conseil d'Etat et de la CNDA.
Pour Sébastien Brisard, aller encore plus vite à effectif constant est tout simplement impossible. A noter qu'après les agents de la Cour nationale du droit d'asile la semaine dernière, c'est au tour de ceux de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides d'appeler à la grève aujourd'hui.
Ce texte pourrait en outre mettre à rude épreuve la majorité où certains contestent la logique "répressive" du texte. Jugeant le texte présenté par Gérard Collomb trop sécuritaire, une centaine de députés de la République en Marche et du Modem sont montés au créneau pour dire leur malaise face à un texte qu'ils jugent trop sécuritaire.
A l'inverse, l'opposition réclame une politique plus ferme. Gilles Platret, maire de Chalon sur Saône, est l'un des trois porte-paroles nationaux du parti "Les Républicains". Il fait partie de ceux qui réclament un renforcement de la politique migratoire en France. Aucun doute là-dessus, les débats autour de ce texte s'annoncent difficiles lors de l'examen du projet de loi qui aura lieu à partir du mois d'avril à l'Assemblée nationale.
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