La classe politique retient son souffle. Ce vendredi en fin d'après-midi, le Conseil constitutionnel doit rendre sa décision relative à la réforme des retraites. Les Sages se prononceront également quant à la recevabilité du référendum d'initiative partagée (RIP) déposé par les députés de gauche.
Illégitime et partial, le Conseil constitutionnel ? C'est la petite musique qui montait des oppositions ces derniers jours, alors que l'institution de la rue de Montpensier doit rendre ses conclusions sur la réforme controversée des retraites. "Le Conseil constitutionnel juge en droit, d'après ce qu'il appelle le bloc de constitutionnalité - la Constitution elle-même et les principes fondamentaux du droit français - mais aussi en opportunité politique, admet Roland Cayrol, politologue et directeur de recherche au CEVIPOF. Les membres qui composent le Conseil sont pour une majorité des hommes et femmes politiques, donc ils tiennent grandement compte de l'opportunité politique", souligne-t-il.
Si les Sages peuvent "retoquer" complètement la loi, le scénario d'une censure partielle apparaît plus probable. "Ils peuvent dire que faire passer le 47-1 pour faire passer une loi sur les retraites, alors que cet article est réservé aux lois de financement de la sécurité sociale, c'est un détournement de procédure, estime le politologue. Mais enfin, après les trois mois de remous que nous venons de vivre, ce serait une véritable révolution politique. Je pense qu'ils auraient peur, qu'ils se disent que c'est une responsabilité trop lourde". En tout cas, il voit bien le Conseil "retoquer tel ou tel article de la loi, et ajouter ce qu'ils appellent des réserves d'interprétation : un guide pour le gouvernement quant aux décrets d'application de la loi qui seront pris". Réponse à 17h30.
Emmenée par une intersyndicale unie comme rarement, la mobilisation a été massive contre la "mère des réformes" macronienne. Selon un sondage Toluna Harris Interactive publié le 27 mars, 70% des Français soutiennent la contestation. "C'est la huitième depuis 1982, les Français ont été chaque fois hostiles dans les mêmes proportions", tempère Roland Cayrol, qui vient de publier ses mémoires de la Ve République*. "Ils n'ont pas envie de travailler plus, les gens ! On les y oblige chaque fois en leur expliquant les raisons financières, démographiques. Ils les connaissent, mais ils n'ont pas envie que cela s'applique à eux", observe-t-il. "La seule fois où c'est passé assez en douceur, c'est la réforme Touraine, sous la présidence Hollande, où les partenaires sociaux et l'opinion publique ont laissé passer".
La seule fois où c'est passé assez en douceur, c'est la réforme Touraine, sous la présidence Hollande
Adoptée en 2014 et entrée en vigueur en 2020, la réforme portée par Marisol Touraine, ministre des Affaires sociales de l'époque, prévoyait l'allongement progressif de la durée de cotisation pour atteindre 43 annuités à horizon 2035. La récente réforme a notamment entériné l'accélération de ce calendrier.
Roland Cayrol décrit "une période d'une désaffection terrible vis-à-vis du politique. Les Français, qui sont un vieux peuple politisé, qui aiment bien parler politique en famille ou au café du commerce, n'en peuvent plus des politiques. Ils disent aux sondeurs, en majorité absolue et ça monte d'année en année, que les hommes politiques sont malhonnêtes, incompétents, ne s'occupent pas d'eux".
Les responsables de la Nupes, ceux de La France Insoumise plus exactement, ne cessent sur les plateaux de refuser de condamner la violence quand elle est utilisée, à l'occasion des manifestations, par les fameux black blocs
"Ajouté à cela, depuis les gilets jaunes s'est enkystée dans une proportion importante de la population française l'idée qu'on n'obtient rien sans un minimum de violence, s'inquiète-t-il. "Il y a des gens qui sont tentés de dire : ‘Ce n'est pas exactement que j'approuve la violence, mais enfin on peut la comprendre'. Les responsables de la Nupes, ceux de La France Insoumise plus exactement, ne cessent sur les plateaux de refuser de condamner la violence quand elle est utilisée, à l'occasion des manifestations, par les fameux black blocs". Le natif de Rabat pointe l'hémiplégie d'une partie de la gauche. "Ils voient la violence policière, celle-là ils la voient bien - et ils ont raison de la voir quand elle existe. En revanche, ils ne la voient pas de l'autre côté, car qui veut la fin veut les moyens, semblent-ils dire".
*Roland Cayrol, Mon voyage au coeur de la Ve République, Calmann-Levy, 2023, 20,50 euros.
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