En effet, ce mot né au XIVe siècle va jusqu’au XIXe siècle pâtir d’un sens négatif, péjoratif, et puis le XXe siècle lui redonnera vigueur et même avenir au XXIe siècle.
La ruralité du XIVe siècle au XIXe est synonyme d’« ignorance de campagnard », rien de flatteur donc, et même encore en 1876 dans le Dictionnaire de Littré, la « ruralité » désigne la « condition des campagnards », ou les « biens de campagne », et si je consulte Pierre Larousse et son Grand Dictionnaire universel achevé en 1875, je lis « Ruralité » « condition de campagnard ; vieux mot ». Eh bien il se trompait, le mot allait reprendre vigueur au XXe siècle, notamment à la faveur du retour à la campagne, et on pourra lire par exemple dans l’Amour en face, publié en 1972, une réflexion de ce type, inimaginable au XVIIIe siècle. « Les cheveux, les rides, cette tête pure et dure, admirable produit d’une fière ruralité ! » Voilà qui change de l’image du campagnard abêti.
Et voici un passage de Richelet que je n’ai jamais osé lire pour montrer à quel point le XVIIe siècle fut méprisant pour le monde « paysan ». Voici la définition de Richelet en 1680 dans son Dictionnaire françois : « Paysan. Villageois, rustre, peu honnête et peu civil, qui ne sait pas son monde. Grossier. » Il y a pire, voici l’exemple « Les païsans sont naturellement méchants. » C’est inimaginable.
Et quel heureux retournement, le mot paysan étant aujourd’hui revendiqué avec le « monde paysan ». Il en a été de même pour « rural » et « ruralité », dévalorisant jadis et valorisant aujourd’hui. Mais pour les plus jeunes qui nous écoutent, peut-être qu’il faut rappeler l’origine du mot « rural », que les très jeunes enfants associent parfois à la rue, alors qu’il s’agit de la campagne.
Rural vient du latin rus, ruris, désignant la campagne, devenu ruralis en latin tardif, et passé en français au XIVe siècle. On a ensuite opposé les citadins et les ruraux, avec comme on le trouve dans un Dictionnaire de la langue philosophique de 1951, un avantage des ruraux, envié des citadins : le fait qu’ils savent « conserver certaines tradition ». Si le citadin peut ne pas perdre ses racines, c’est le cas de dire, c’est grâce à la « fière ruralité ».
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