Balzac, Honoré, est parfois détestable, lorsqu’il évoque par exemple dans le Dictionnaire des enseignes « une gravure tout au plus propre à orner le salon de coiffure d’un barbier de village ». Il est bien méprisant ici, notre grand écrivain. contrairement à son habitude. Parce que si le salon a ses lettres de noblesses en tant que lieu d’exposition d’œuvres d’art ou de nouveautés, et cela depuis 1737 – au moment où le Salon carré du Louvre servit de salle d’exposition –, point n’était besoin de jouer sur les mots, du salon artistique au salon de coiffure, lieu où le coiffeur officie, pour notre plus grande satisfaction.
En fait, c’est 1650 que, construit sur le mot sala, l’italien salone, qui désignait une grande salle, fit son entrée en langue française sous une forme masculine, le salon. De fait, sala, en italien, ou salle, en français, viennent d’un mot germanique désignant au départ une habitation d’une seule pièce. De la « grande salle » unique, on passa à la « grande salle » de la maison, le salon, qui fit office de pièce de réception. Certes, le salon s’est associé au XXe siècle à d’autres espaces, par exemple le salon-bibliothèque ou le salon-salle à manger, mais, ce fut tout d’abord le lieu de réception par excellence, d’où le salon de compagnie. On n’oubliera pas qu’à la fin du Grand Siècle, existèrent le salon de feuillage ou de treillage, espaces couverts de verdure, et qu’au siècle précédent, naissait aussi le salon de verdure. Le Salon de l’agriculture n’est pas pour autant un salon de verdure qui a réussi, il provient en effet en droite ligne du salon où l’on expose les nouveautés, à commencer par des tableaux, avant de superbes automobiles.
C’est à partir de 1750 que les salons désignèrent une exposition périodique d’œuvres d’artistes vivants, mais aussi les comptes rendus qui en étaient faits, les plus célèbres étant en l’occurrence les Salons de Diderot, publiés en 1768. Les intitulés des salons artistiques sont parfois éloquents ; que l’on pense par exemple au Salon des refusés, en 1863, au Salon des indépendants en 1884, mais aussi au Salon des dépendants en 1903, enfin le premier salon échappant à l’art de la peinture ou de la sculpture, reste celui, grandiose, de l’Automobile, en 1898. Vint ensuite le Salon des Arts ménagers, et le Salon du Livre, évidemment qui en ce moment bat son plein et qui généralement me ruine.
Pour revenir au salon que nous fréquentons assez régulièrement, le salon de coiffure, il s’appela d’abord en 1822, le « salon pour la coupe de cheveux ». Quant au salon de thé, il ne date que de 1923. L’un et l’autre sont des lieux où l’on aime parler, comme dans les Salons mondains, mais sans jouer les salonnards, leurs habitués quelque peu snob. Après tout, au salon du livre, on peut prendre un thé, et y discuter de livres, mais il n’y a pas encore de salon de coiffure où discuter un livre à la main. Ça manque ! Une idée à saisir ?
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