Depuis vendredi 5 novembre, un plan blanc a été déclenché dans les hôpitaux de Grenoble et de Voiron ainsi que dans les cliniques d'agglomération à la demande de l'Agence Régionale de Santé (ARS). Ce dispositif vise à pallier le manque de personnel dans le secteur médical et notamment aux urgences.
Au CHU Grenoble Alpes, les urgences sont dépassées. Les médecins de ville, les infirmiers libéraux sont de moins en moins nombreux : se rendre directement à l'hôpital est devenu pour beaucoup le seul moyen de consulter. Dans les salles d'attente, se mêlent donc les cas graves et les simples rhumes. Une pléiade de patients que peinent à prendre en charge les urgentistes. De leur côté aussi les abandons sont nombreux : dépression, burn-out, refus de se faire vacciner... 28 membres d'une équipe de 70 manquent, ce jour-là, à l'appel.
A Voiron, quelques kilomètres plus loin, les urgences ont dû fermer deux nuits d'affilée. Pas de médecins de garde. Pas d'accueil entre 20 h et 8 h du matin. "Les urgences pédiatriques et gynécologiques sont ouvertes" rassurent Monique Sorrentino, la directrice générale du CHU de Grenoble, à la tête de l'établissement voironnais. Faute de mieux, elle conseille aux patients de composer le 15 afin d'être pris en charge auprès d'un médecin disponible.
Si les urgentistes ne sont plus assez nombreux pour pallier l'absence toujours plus grande de généralistes et de libéraux, c'est que le système tout entier est en souffrance. "La genèse de cette crise débute en 1945" explique Dr Didier Legeais, vice président de l'ordre des médecins de l'Isère. Le baby-boom d'après-guerre s'est mué en 2020 en papy-boom, amenant davantage de patients dans les établissements de santé.
"Mais ce n'est pas tout" précise-t-il "Dans les années 1970-80, on a réduit les promotions de médecins, passant de 8 000 à 3 000, ce qui rend difficiles les départs à la retraite. D'autant que les nouveaux médecins travaillent 45 h semaine contre 80 h pour l'ancienne génération".
A l'autre bout du téléphone, Didier Legais poursuit sa litanie : coupes budgétaires, démotivation et enfin, crise sanitaire. Le coup de grâce qui poussa entre 5 et 10 % des professionnels de santé à jeter leur blouse.
Le plan blanc, déclenché vendredi 5 novembre, vise à minimiser l'impact du manque de personnel : mutualisation des moyens humains, techniques, matériels, des lits disponibles. Comme au plus fort de la crise sanitaire, branle-bas de combat dans les hôpitaux, inquiets de voir leurs patients affluer toujours plus nombreux dans les jours qui arrivent, la faute aux maladies hivernales, aux accidents de ski et au rebond épidémique. "Le plan blanc, c'est temporaire, ça va diminuer le saignement" explique le vice-président de l'ordre des médecins de l'Isère "mais ce sera ensuite au gouvernement et aux ARS de soigner la plaie".
Le travail est colossal, "Nous avons 20 ans de retard" souffle-t-il "et il en faudra 10 pour les combler". En effet, les challenges sont nombreux à en croire les syndicats : former plus de professionnels, mieux payés, mieux considérés et disposant davantage de matériel et de lits. Une nouvelle page à écrire. C'est d'ailleurs l'une des ambitions du Ségur de la Santé, voulu par le gouvernement (et dont les grandes lignes régionales immobilières seront dessinées par Olivier Véran, vendredi, depuis Grenoble).
"Mettre de l'argent sur la table ne suffira pas" confie enfin Dr Didier Legeais, "Les soignants ne marchent pas qu'à la reconnaissance financière, il faudra, avant tout, leur donner des raisons d'aimer à nouveau leur travail".
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