La France a donc vécu une étonnante expérience autour de la mort de Jacques Chirac. Tout d’un coup, les chaînes d’information en continu ont basculé dans un unanimisme surprenant en évoquant la mémoire du président défunt. Les images de Chirac ont sursaturé nos écrans, faisant oublier au passage des événements aussi passionnants que les mondiaux d’athlétisme au Qatar ou l’échec de Julian Alaphilippe aux championnats du monde de cyclisme. Les plus féministes oubliant les frasques privées du défunt célébrèrent le bel homme, les végan le mangeur de tête de veau, les vignerons le buveur de bière, les gens de gauche l’homme de droite, à moins que ce ne soit l’inverse. J’ai cru un instant que la Curie allait le faire entrer manu militari dans le martyrologe.
Et j’avoue que lorsque j’ai entendu que les Français le plébiscitaient comme le meilleur président de la Ve République avec de Gaulle, j’ai cru tomber de ma chaise.
Il ne s’agit pas ici de faire le bilan politique de Jacques Chirac. Ce qui m’interroge tout de même est la quasi absence de voix discordantes. De quoi cet unanimisme est-il le signe, d’autant que les hommes politiques en exercice ont rarement autant été suspectés par le peuple ? Comment expliquer une canonisation médiatique si rapide ?
Je vois deux pistes d’explications : la première est que justement cette subite idolâtrie semble venir soigneusement recouvrir la réalité si douloureuse de la désaffection des Français pour leur classe politique. En iconifiant le président mort, c’est comme si l’on tentait, inconsciemment sans doute, de faire oublier aux Français leur divorce avec les politiques. Comme si ce moment de communion largement artificiel était une tentative désespérée de faire oublier cette fracture.
La seconde est qu’au fond un président de la République est traité par le flux médiatique comme un chanteur populaire. Le mouvement autour de la mort de Jacques Chirac ressemble fort à celui qui s’était cristallisé autour de Johnny. Ce que cela nous dit n’est pas très réjouissant : la politique, à l’heure des réseaux sociaux et de l’information en continu, est devenue un divertissement supplémentaire dans un pays qui aurait pourtant besoin de ne pas la considérer comme un spectacle.
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