Apoline, Amandine, Jean-Loup et Valentin naviguent depuis début mars sur la Saône dans leur bateau laboratoire pour un projet de recherche pluridisciplinaire.
C’est à Pont-de-Vaux, lors de leur première escale dans l’Ain, que nous les avons rencontré. Ils sont quatre étudiants en master 2 avec un projet commun : faire des recherches sur la Saône, puis le Rhône. Ils se sont rencontrés grâce à Juste 2°C, qui porte le projet. Saône 2 Rhône est le second auquel l'association se consacre aujourd'hui. C’est une structure pérenne qui souhaite soutenir d'autres initiatives étudiantes similaires à l'avenir. Ensemble, ils ont créé ce projet de recherche mais aussi de médiation et de pédagogie autour d’une thématique générale commune : les cours d’eau. Ils sont partis de Port-de -Saône près de Vesoul dans la Haute-Saône, et arriveront fin juin à Arles, en passant par Lyon, Valence ou encore Avignon. Amandine nous explique leur démarche.
L’idée c'est d'avoir une trentaine d'escales, à peu près, sur le tracé, et donc de s'arrêter, de prendre contact avec les communes, avec les structures culturelles de médiation scientifique, et des écoles. On veut à la fois mener des projets de recherches autour de nos spécialités et en même temps partager notre démarche scientifique au grand public et aux plus jeunes au travers un projet pédagogique. Par exemple, on fait visiter le bateau, on organise des conférences ou des ateliers.
Parallèlement, à ses temps de rencontres, l’équipage mène un projet de recherche commun avec des spécialités différentes. Amandine est étudiante en sciences sociales, Apoline, en géosciences, Valentin en anthropologie et Jean-Loup en Géographie. Chacun essayera au cours de cette navigation de répondre à leur problématique individuelle. L’emploi du temps est donc bien chargé.
Il faut concilier beaucoup de temporalité parce que déjà nous on porte des projets de recherches qui sont interdisciplinaires. Rien qu'avec ça il faut concilier des temps d'entretien, de dialogue, de discussion, des temps de prélèvement sur des sites qui ne sont pas toujours les mêmes, et aussi concilier ça avec des prises de contact. Puis il y a aussi, les créneaux qui sont calés avec les écoles pour mener toute une série d'interventions.
Les étudiants ont embarqué sur une vedette hollandaise, un bateau doté d’une coque en acier, long de 10 à 15 mètres, qui a la particularité de pouvoir naviguer sur les fleuves tout aussi bien qu’en mer. C’est un lieu de vie, de recherche et de rencontre.
Ils l’appellent la petite sœur du grand frère. La Saône est leur terrain de jeu pour presque deux mois et demi, avant de passer ensuite sur le Rhône. Jean-Loup nous raconte leur choix.
Déjà, on cherchait un endroit qui soit en France. Et on trouvait que les cours d'eau étaient un objet intéressant, parce que justement ils regroupent plein d'enjeux. Le Rhône est bien connu pour être un cours d’eau français très aménagé avec beaucoup d'enjeux d’anthropisation. Mais c'est aussi un cours d’eau qui est très étudié depuis 30 ans, qui a beaucoup de projets de restauration écologiques depuis très longtemps. On nous a dit “mais la Saône allez-y, il y a moins d'études. Il y a plus de choses à faire”. Du coup, tout s'est lié. Puis la Saône a forcément impacté le Rhône. C’est une rivière qui est habitée depuis très longtemps.
Amandine travaille sur la restauration écologique et tente de répondre à la question “Qui répare la nature et comment ?”.
Je me demande comment est-ce qu'on remet en bon état la nature. Et ça passe par quels acteurs prennent en charge la gestion des milieux naturels et de leur réhabilitation quand ils sont identifiés comme dégradés. Je m'intéresse en particulier à des sites qui ont fait l'objet de projets de restauration, c'est souvent des zones humides qui ont été déconnectées de la Saône, qui ont été bouchées ou qui s’assèchent. Je m'intéresse donc à comment est-ce qu'on définit la restauration écologique.
Jean-Loup aborde quant à lui, une problématique sur les îles fluviales. Il se demande si ses îles sont les derniers refuges pour les forêts alluviales.
Je travaille sur les îles fluviales, ces petits bouts de terre un peu abandonnés qui sont au milieu de la Saône et sur leur biodiversité. Je m'intéresse principalement à la forêt qui pousse sur les îles, on appelle ça la ripisylve, c'est la forêt qui aime avoir les pieds dans l'eau. J’essaie de voir si ces îles sont finalement un peu des hotspots de biodiversité dans une rivière qui est très aménagée aujourd'hui. Donc concrètement, je prends un petit bateau gonflable avec un moteur, on va sur l'île et là je fais des relevés de végétation des mesures topographiques pour essayer de voir quel est l'état global de l'île et son évolution à plus ou moins court terme.
Apoline s'intéresse à la pollution plastique de la Saône : où trouve-t-on le plus de déchets et de microplastiques le long de la rivière ?
L'idée, c'est de recenser ce qu'on a en macro plastique. Donc je me concentre notamment sur toutes les zones d'accumulation, où on repère des embâcles de bois par exemple, où il y a beaucoup de laisse, de crues… L’idée c'est d'aller voir à ces endroits, ce qu'on a comme macro plastique et quel type de plastique. Quand je peux, je regarde les dates limite de consommation ça donne aussi des petites informations et puis ensuite je prends des sédiments dans lesquels je vais aller regarder ce qu'il y a comme microparticules, pour déjà voir s'il y a un lien entre les deux et puis s'il y a des zones où ça a tendance à être plus pollué.
Valentin se penche sur la biodiversité. Il cherche à savoir quelles sont les connaissances que nous avons de la nature qui nous entoure ?
C'est un projet d'anthropologie de l'environnement. Ce qui m'intéresse, c'est les savoirs et les pratiques des naturalistes. Je souhaite comprendre comment leurs pratiques vont les amener à avoir une certaine conception de la nature, et comment elle va interférer avec l'image qu'on veut avoir d'un écosystème. Mon projet se connecte plutôt bien avec celui d'Amandine. Moi j'essaie de comprendre comment est-ce que la pratique et la connaissance de la nature vont amener à avoir certaines exigences en termes de restauration écologique. Si je prends un exemple très concret, les pêcheurs vont vouloir avoir un espace où pêcher, et pour eux, la conservation de la nature, c'est un espace où ils peuvent continuer à avoir leur pratique. Là où par exemple, un naturaliste en ornithologie va vouloir avoir une espèce d'oiseau rare qui va un peu être le porte-étendard de la nature. Donc tout le monde parle de nature mais on ne parle visiblement pas tout à fait de la même.
Ces projets interconnectés répondent à des questions transversales. Leur objectif est de collecter des données sur le terrain pour sensibiliser le public. Elles seront ensuite publiées.
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