Cette affaire avait déclenché une vague de violence en région parisienne, et remis la question des banlieues au cœur des débats à deux mois de la présidentielle. La situation semble se calmer provisoirement. Pour évoquer le phénomène des banlieues, François Ballarin recevait Sébastian Roché, directeur de recherche au CNRS et spécialiste de la police et des banlieues.
Tout le monde a évidemment en mémoire les émeutes de 2005 qui avaient duré plusieurs semaines. Elles avaient également pour origine une opération de police qui avait mal tourné. Pour Sébastian Roche, le point de départ est identique. "C’est une intervention de police au cours de laquelle des personnes meurent, comme en 2005, ou blessées, comme c’est le cas aujourd’hui. Et puis des doutes sur la sincérité des explications qui sont apportées par les autorités. Ça c’est le point de départ. Cela se passe dans un quartier défavorisé. Cela concerne des jeunes issus des minorités" explique-t-il.
"Mais cette fois-ci, le gouvernement gère mieux la crise. Il ne nie pas la gravité des faits ni l’implication des policiers. Le maire d’Aulnay a témoigné sa sympathie aux familles. Le président de la République s’est rendu sur place, auprès de Théo. Plusieurs éléments qui ont permis de calmer la situation" ajoute-t-il.
"On n’a pas d'outil de mesure de la qualité de la police et de la qualité des relations avec les habitants des banlieues. Le ministère de l’Intérieur en France n’est pas très intéressé par la qualité de sa police, ni par la qualité de la relation avec le public. Ce qu’on sait, par les enquêtes du CNRS, c’est qu’aujourd’hui, les relations sont mauvaises. En Europe, la France est un des pays dans lequel la police témoigne le moins de respect envers les citoyens" analyse également Sébastian Roché.
Pourtant, c’est un fait, les policiers font ce qu’on leur demande de faire. Pour Sébastian Roché, "ce qu’il faut revoir, c’est ceux qui leur donnent des ordres. Il faut revoir la politique policière. A-t-on besoin de contrôler autant ? Cela rapporte-t-il quelque chose ? On doit rechercher à éviter les contrôles au faciès, et la discrimination. C’est cela qui importe".
Ce spécialiste de la police rappelle qu’il faut aujourd’hui un plan d’ensemble. "Il y a un problème. Il existe de la discrimination dans la police. Mais le ministère de l’Intérieur ne le reconnaît pas. Tant qu’on ne reconnaîtra pas qu’il y a un problème dans les relations entre la police et la population, on restera dans un blocage. C’est un blocage politique" lance-t-il.
Un constat reste à faire cependant. Qu’ils soient de gauche ou de droite, aucun des gouvernements successifs n’a réussi à résoudre le problème des banlieues. La réponse était bien souvent la succession de plans d’urbanisme et de rénovation de quartiers. "Il y a des problèmes de qualité de vie, mais sur la relation police population, deux choses ont été faites : la fin de la police de proximité avec Nicolas Sarkozy, et le refus de la mise en place du récépissé du contrôle d’identité avec François Hollande" précise Sébastian Roché.
Reste le problème de la représentation. En s’attaquant à la police, les jeunes ne veulent pas frapper uniquement l’institution policière. "Les adolescents des quartiers sont frustrés, laissés de côté. Ce sentiment de ne pas appartenir à la société alimente leur agressivité" conclut-il.
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