Qui n’a pas siffloté un air ? Eh bien celles et ceux qui ne savent pas siffler pardi… N’est pas siffleur qui veut, mais on peut toujours utiliser un sifflet. Et voilà déjà quatre mots siffler et siffloter le sifflet, et le siffleur, déjà toute une petite famille bien vivante, preuve de bonne santé.
La racine est commune, le latin classique sibilare qui a donné en bas latin sifilare, d’où siffler. Et il est difficile de ne pas percevoir dans les mots de cette famille une onomatopée c’est-à-dire l’imitation du son produit. Au reste les écrivains l’ont bien perçu et dès qu’on nous a fait étudier Racine, on a tous retenu ce vers de la tragédie Andromaque, où Oreste souffrant affreusement de voir Pyrrhus aimé par Hermione s’écrie « Pour qui sont ces serpents qui sifflent sur vos têtes », et chacun de nos professeurs de nous signaler qu’il s’agit là d’une superbe allitération, c’est-à-dire la répétition expressive d’un son dans un vers ou une phrase, ici évidement une allitération en s.
Au passage, on ne peut mieux rappeler qu’il y a bien des sifflements différents, de l’homme ou de l’animal, et avec force comparaisons. Par exemple, siffler comme un pinson, ou comme un merle a quelque chose de joyeux. Mais siffler l’arbitre , ce n’est pas bien, c’est exprimer un rejet comme le fait de siffler les artistes. Et bien sûr si c’est le serpent qui siffle, arrière toutes.
Quant à avoir les oreilles qui sifflent, soit on dit du mal de vous, soit, il faut vite aller voir le médecin. Je suis allé ce matin ouvrir un dictionnaire dont je ne parle plus souvent, celui de Maurice De La Porte qui en 1571 écrivait les Epithètes, un petit dictionnaire de la Renaissance destiné à offrir des adjectifs au écrivains.
Et curieusement, le mot sifflet s’y trouve. Et donc, au XVIe s. il suggère que le sifflement soit, et je lis, « aigu, souef [soif]-bruyant, petit, amoureux, menu, tranchant, enroué, court, indice, appelant. » C’est très plaisant. Alors le sifflet soif-bruyant, consiste à avaler vite en faisant un bruit de plaisir. Et voilà il a sifflé deux verres de cidre en prenant la galette. Quant au sifflet amoureux, c’est le sifflet d’admiration. Aujourd’hui, ce serait d’un effet douteux. Il reste la linotte, là aussi à éviter.
Eh bien oui, la formule existait au XVIIe siècle, « On dit, déclare l’abbé Furetière qu’un homme a sifflé la linotte pour dire, qu’il a bien bu, et qu’il y paraît, qu’il est à demi-ivre ». Donc pour le merle ou le pinson, c’est parfait de siffler comme ces oiseaux, mais ne surtout pas siffler la linotte ; réputée pour ne pas avoir de tête. Passe d’avoir une tête de linotte, mais siffler la linotte, non.
RCF est une radio associative et professionnelle.
Pour préserver la qualité de ses programmes et son indépendance, RCF compte sur la mobilisation de tous ses auditeurs. Vous aussi participez à son financement !