Le nom de famille fait partie de notre identité mais n’est pas toujours facile à porter. Une proposition de loi a pour objectif de simplifier la démarche pour le changer. Elle est débattue ce mercredi 26 janvier à l’Assemblée nationale. Si elle est adoptée, il sera possible, une fois majeur et une fois dans sa vie, de prendre le nom de sa mère plutôt que de son père. Une démarche moins lourde et essentielle pour beaucoup de personnes.
Pour certaines personnes, c’est une fierté. Pour d’autres, une insupportable souffrance. Le nom de famille résonne parfois avec des violences subies. C’est le cas de Véronique, une femme de 50 ans qui porte depuis ses 5 ans le nom de son beau-père. Il a imposé de la reconnaître, alors qu’elle n’était pas son enfant biologique. Il lui a surtout fait subir des violences sexuelles et psychologiques pendant des années. Véronique a été violée. Elle a réussi à en parler à sa mère à ses 16 ans, qui a demandé le divorce. Aucune plainte n’a été déposée mais son nom à lui est toujours là, collé au prénom de Véronique. "Son nom, c’est ma destruction", souffle-t-elle aujourd’hui.
En 2017, elle entame donc une longue démarche pour récupérer le nom de sa mère. Il a fallu rassembler de nombreux papiers, des extraits d’actes de naissance, une lettre pour motiver la demande. Mais aussi payer les parutions au Journal officiel, un montant qui s’est élevé à environ 200 euros pour Véronique. Beaucoup d’efforts, en vain. Sa demande a été rejetée près d’un an et demi plus tard. "Ça m'a détruite, je me suis retrouvée au fond du gouffre. C’est comme si j’avais à me justifier. Je n’avais pas suffisamment de preuves à apporter à mon dossier pour qu’on puisse dire que je change mon nom parce que j’ai été violée. Donc en fait, ce qu’on me demande c’est de dire à mon pseudo père de venir, de me violer, et je prends des photo, je le renvoie chez lui et là j’aurais des preuves", ironise-t-elle, amère.
Après la réponse du ministère de la Justice qu’elle a reçu par courrier, Véronique a fait un burn-out. Elle est encore aujourd’hui suivie sur le plan psychologique. "Ça a été une humiliation, retrace Véronique. Si la loi passe, dans mon livret de famille, il n’existera plus et je pourrai passer à autre chose. Si c’est voté, je peux vous assurer que le 1er juillet, je suis à la mairie, je récupère mon Cerfa et je le remplis", affirme la quinquagénaire.
Si la proposition de loi est votée à l’Assemblée nationale puis au Sénat, c’est donc toute la démarche qui sera simplifiée dès le 1er juillet. Il faudra remplir un formulaire administratif de (Cerfa) et le déposer en mairie. Une procédure bien moins coûteuse qu’aujourd’hui, où il faut dépenser de l’argent, parfois être accompagné d’un avocat et écrire au garde des Sceaux pour obtenir ce changement.
Il ne sera plus nécessaire non plus d’invoquer un motif légitime, par exemple le fait que le nom soit difficile à porter. Toutes les personnes qui le souhaitent pourront, une fois dans leur vie et sans justification, utiliser le nom de famille de leur autre parent. Il sera possible de changer le nom, d’accoler le nom de la mère ou de changer l’ordre de deux noms.
"Aujourd’hui, quand le couple s’entend, il peut mettre le double-nom des deux parents. Quand ils ne sont pas d’accord et qu’un parent veut mettre le nom d’usage, très souvent l’autre parent n’est pas d’accord. Cela amène des conflits. Alors que si vous êtes une maman et que vous n’avez le même nom que vos enfants, quand vous partez en voyage, il faut emmener le livret de famille et l’attestation du tribunal comme quoi vous êtes séparée", explique le député La République en Marche de l’Hérault Patrick Vignal. "Avec cette loi, je remets du sens, de la cohérence, de la cohérence, de la liberté, de l’équité et de l’égalité", poursuit l’élu, qui est le rapporteur du texte.
Patrick Vignal l’a élaboré après avoir rencontré Marine Gatineau-Dupré, conseillère municipale à Palavas-les-Flots (Hérault). Mère séparée, elle se bat pour que ses enfants portent aussi son nom, à travers le collectif "Porte mon nom" qu’elle a fondé pour que la loi change, pour ne plus avoir à vivre ce qu’elle appelle des "petites lourdeurs du quotidien, des petites souffrances".
"Quand je suis arrivée aux urgences de l’hôpital de Nîmes avec mon petit garçon qui avait 42 degrés de fièvre et qu’on m'a demandé qui j’étais, j’avais beau avoir les pièces d’identité, la sienne et la mienne et ma carte vitale, ça n’a pas suffi, se souvient-elle. Il a fallu que je prouve être la mère. Ça a été un moment terrible parce que la seule chose qui comptait pour moi c’était l’état de santé de mon enfant. Heureusement ils ont quand même pris mon petit garçon mais j’ai dû crier, et ce n’est pas acceptable."
En France aujourd’hui, plus de 80 % des enfants qui naissent ne portent que le nom de leur père.
C’est une loi qui suscite quand même certaines craintes. Bruno Retailleau, le chef de file des Républicains au Sénat, y voit une forme de destruction de la société, de la famille. Le député Patrick Vignal défend lui sa vision du monde moderne et l’évolution de la société. Il souligne avoir auditionné, par exemple, les généalogistes de France. Une telle loi pourrait compliquer leur travail mais selon eux, des garde-fous doivent permettre de garantir une traçabilité.
"L’intérêt c’est de pouvoir continuer à identifier les bonnes personnes à l’état civil et pour cela, le meilleur moyen c’est que des mentions marginales soient bien apposées, qu’il y ait une traçabilité au niveau des autres actes qui interviennent dans une vie : le mariage, le décès, le PACS", explique Cédric Dolain, généalogiste successoral et président des généalogistes de France.
Les personnes, en majorité des femmes, qui demandent que cette loi soit votée, estiment que la société doit évoluer. "Concrètement, à quel moment le nom de famille de la maman a été oublié ?, s’interroge Marine Gatineau-Dupré. Il faut que ça change. Parce que quand on porte un nom qu’on n'aime pas, qu’on rejette, qui nous fait souffrir, c’est quelque chose qui n’est pas acceptable."
En 2020, plus de 4000 personnes ont fait une demande pour changer de nom. Moins de la moitié des démarches ont abouti.
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