L’audience s’ouvre donc ce lundi, à 9h30 au tribunal correctionnel de Lyon. Malgré une incertitude sur la tenue de l’audience, en raison de la grève des avocats, opposés à la réforme des retraites du gouvernement. Le barreau de Lyon a voté cette grève, et il est possible que des avocats demandent le report du procès dans ce cadre-là.
Concernant l’affaire en question, Sophie Lebrun, journaliste à l’hebdomadaire La Vie, qui couvre pour ce journal les questions de pédo-criminalité dans l’Église, explique que "pour certains, c’est une affaire hors-normes, puisqu’elle couvre des faits jugés très longtemps après, plus de 30 ans après. La question de la prescription s’est posée pour de nombreux cas. Il y a aussi un côté hors-normes dans le nombre de personnes que Bernard Preynat aurait agressées. En même temps, les psychiatres, les psychologues soulignent aussi le caractère presque banal de cette affaire : un homme qui dans un milieu donné a eu la possibilité d’agresser de nombreux enfants et personne ne l’a arrêté".
On ne connaît cependant pas le nombre exact de victimes. "La Parole Libérée a annoncé une centaine de témoignages de victimes qu’elle a recueillis" ajoute Sophie Lebrun, qui précise que le chiffre de 70 personnes, avancé ici et là, correspondrait au nombre de victimes auditionnées dans le cadre de cette affaire. Il n’en demeure pas moins que ce procès est capital pour les victimes de Bernard Preynat. "C’est une étape sur leur reconstruction. C’est un procès très important. C’est un moment où elles vont se retrouver face à face leur agresseur, alors que pour certaines, elles ne l’ont plus vu depuis des dizaines d’années" lance la journaliste. L’ancien prêtre affirme n’avoir jamais nié les faits, et toujours reconnu les faits. "On ne peut pas le savoir pour tous, cela reste sa parole. C’est aussi quelque chose que le procès va devoir regarder" déclare Sophie Lebrun.
Un moment important pour les victimes, un moment difficile également. "Il existe des associations qui font partie du regroupement de la fédération autour de France victimes, cette association qui recueille la parole des victimes et qui a été choisie par la Ciase, et qui propose aux victimes qui le souhaitent d’être préparées pour ce procès. La justice ne peut pas tout, elle ne peut pas répondre à toutes les attentes. Et parfois, ces attentes peuvent être déçues" analyse l’auteure d’ « Omerta » (éd. Tallandier).
Cette dernière rappelle que si ce procès se tient aujourd’hui, c’est grâce à la pression des victimes, et notamment l’association La Parole Libérée. Des victimes qui en 2016, ont amorcé le glissement de l’affaire Preynat vers ce que l’on a appelé l’affaire Barbarin. "En 2016, les victimes n’ont pas seulement dit qu’elles avaient été agressées par un pervers. Elles ont aussi dit qu’elles n’acceptaient pas qu’il ait pu y avoir autant de personnes saines autour de lui, notamment ses supérieurs hiérarchiques, qui savaient, et qui ont laissé cet homme au contact d’enfants. Ce fut un vrai basculement" lance la journaliste.
Pour l’Église aussi, ce procès est important. "Cela a déclenché quelque chose. C’est vraiment le travail de fond et les coups de butoir des victimes qui ont ouvert une brèche dans l’Église et entrainé une prise de conscience importante. Cela ne veut pas dire que tout le monde a pris conscience de l’ampleur de la crise, mais de plus en plus de personnes se questionnent et veulent s’engager pour que l’Église soit une maison sûre" conclut Sophie Lebrun.
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