Strasbourg
Ce lundi matin, depuis Strasbourg, le célèbre guide gastronomique révélait son palmarès 2023. Alors que certaines rétrogradations, dont celle de Guy Savoy, ont été annoncées la semaine dernière, d'autres chefs plus heureux se sont vu attribuer une, deux, voire trois précieuses étoiles.
À l'origine, un simple guide publicitaire à l'attention des acheteurs de pneus Michelin. Il faut attendre quelques années pour que le répertoire créé en 1900 par Édouard et André Michelin, fondateurs de la société clermontoise du même nom, prenne un tournant gastronomique définitif. Pneus, routes des vacances, restauration, le circuit se rôde peu à peu. Les restaurants poussent comme des champignons le long de la nationale 7. "En 1926, le guide commence à attribuer des étoiles pour orienter les conducteurs qui circulent en France et utilisent les pneus Michelin", explique Olivier Gergaud, professeur d'économie à KEDGE Business School.
Près d'un siècle plus tard, les origines populaires du "guide rouge" semblent un lointain souvenir. Aujourd'hui, le luxe des restaurants est un critère d'évaluation implicite, mais incontournable. "On a constaté que le nombre d'étoiles dépendait également du luxe de l'établissement, et ça, ça pose véritablement problème, soupire Olivier Gergaud, car qui dit luxe dit investissements", qui obligent les professionnels à "répercuter ces hausses de coût dans les additions". "À Paris, on retrouve ces restaurants dans des établissements extrêmement cossus", souligne-t-il.
La nouvelle a fait grand bruit. Guy Savoy, trois étoiles depuis vingt ans, en perd une, a annoncé le guide la semaine dernière. "Le fait de déclasser aujourd'hui un chef comme Guy Savoy, qui a tout de même soixante-dix ans, est un symbole politique de mon point de vue. Le message est très clair : La Liste [un classement concurrent du guide Michelin, ndlr] n'est pas un classement suffisamment dynamique puisque Guy Savoy y occupe la place de meilleur restaurant du monde depuis six ans", estime le spécialiste de l'économie de la table. "Il y a un message très clair de la part de Michelin qui souhaite ici reprendre la main."
Il y a un message très clair de la part de Michelin qui souhaite ici reprendre la main
À côté des perdants, qui vivent souvent leur déclassement comme un terrible choc, le guide Michelin fait chaque année d'heureux lauréats. "On estime en général que 30% de chiffre d'affaires sont amenés la première année après l'obtention d'une étoile, ça va jusqu'à 80% sur trois ans", présente Olivier Gergaud. Ces importantes rentrées permettent de "maintenir le cadre, l'améliorer, voire déménager le restaurant dans un cadre, un arrondissement ou un espace plus luxueux".
L'économiste pointe la situation quasi monopolistique du guide de référence. "Dans le cas de la France, on a une hyper concentration de l'offre sur le guide Michelin", note-t-il. Cette position favorable lui permet d'entretenir une forme de secret sur ses critères d'appréciation. "Il est clair que le guide Michelin a aussi un certain nombre de défauts, et notamment l'opacité de ses évaluations", relève-t-il.
Ce qui vaut pour tous les secteurs économiques vaut a fortiori pour le milieu gastronomique. "Plus on aura de concurrence, mieux les chefs se porteront", promet Olivier Gergaud. "Ça permettra peut-être aussi aux chefs qui subissent aujourd'hui les foudres du Michelin de mieux passer ce cap difficile", croit-il. "Dans tout marché, plus on a de concurrence, mieux on se porte et mieux ce marché sert les intérêts des consommateurs et des producteurs."
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