Je vous assure que je n’ai rien contre le foot ! Mais « Panthéon du football », comme « Film culte », « diva de l’écran », « pape de l’édition », « icône de la modernité », « succès planétaire », notre discours médiatique, avec son recours parfois au vocabulaire religieux, semble s’emballer. Et, avec lui, emporter la langue dans une spirale hyperbolique vertigineuse. Pourquoi est-il devenu si nécessaire d’adjoindre à ce qui occupe notre scène commune : sport, cinéma, lecture, télévision, consommation – des qualificatifs absolus ?
Qui, d’une communauté villageoise d’Afrique noire, ou bien d’une famille itinérante d’Amazonie ou des steppes mongoles a eu connaissance du « panthéon du football » qu’est la coupe du monde ? Ou encore du « succès planétaire » que serait le dernier opus de Dan Brown ?
« Planétaire » n’a rien à voir avec « universel », mais avec notre petite vision du monde à partir de nous-mêmes. À surinvestir le langage, se vide et se défait son lien à l’objet qu’il décrit. Bientôt se rompt l’échange délicat et fragile qu’entretiennent les mots et les choses. Et c’est quelque chose de l’illusion qui s’installe.
Le langage doit porter le souci éthique de respecter toujours les personnes mais encore la juste réalité des choses. Aussi doit-il vivre dans la modestie des serviteurs. Serviteurs de la vérité pèlerine, comme de l’identité en construction des êtres de parole que nous sommes. Il en va non plus de la consécration de tel ou tel objet, fut-il célèbre comme le foot, mais de l’élaboration du sens de l’existence et du monde. L’enjeu du dire repose, alors, sur ce que J. Derrida appelle « une traduction relevante du réel » : discours qui fait justice au réel dans la justesse de ce qu’il est. Parole opportune, née d’un labeur de raison autant que de la rencontre.
C’est la parole même de Jésus dans les Évangiles. Parole qui fait justice au réel des plus pauvres, à la soif de ceux qui cherchent et désirent, et qui, plutôt que de figer sur place, relève et met en route, invente un avenir juste humain à qui l’accueille chez lui.
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