Ce mot, sans surprise, vient du latin talpa, au masculin alors, devenu féminin sous l’influence des mots en –a. On a guère d’autre étymologie : certes, un grand étymologiste du XXe siècle, Wartburg, y voyait un dérivé possible de tala, la terre, mais rien n’est vérifiable. C’est en 1250 qu’émerge donc, issu du latin, le français taupe et, sans changement de sens, on en retrouve la première définition offerte dans le Dictionnaire françois de Richelet, en 1680 : « C’est une sorte d’animal, écrit-il, qui tient du rat, et qui est couvert d’un petit poil noir, épais et luisant, qui ne voit goutte, qui a l’ouïe subtile, et qui creuse sans cesse dans la terre où elle se cache toujours, qui vit de vers & qui lorsqu’elle n’en trouve point se nourrit de terre », ce dernier point est évidemment faux.
Mais il est vrai que la taupe ayant une très mauvaise vue, elle a aussi un sens figuré, qu’illustre par exemple La Fontaine : « Linx envers nos pareils, & taupes envers nous », à traduire précise Richelet par le fait que « nous voyons les défauts d’autrui et nous ne voyons pas les nôtres. »
Assez plaisamment, il y avait au Grand Siècle un adjectif disparu aujourd’hui « taupin, taupine », pour les personnes ayant « des cheveux noirs & le teint noir ». L’exemple est drôle : « Il est taupin, elle est taupine. On dit aussi substantivement, c’est un gros taupin, c’est une petite taupine ». Bien, déconseillons tout de même l’usage de ce mot qu’il s’agisse d’un beau brun ou d’une belle brune ! Mais la « taupe » a d’autres sens figurés.
Tout d’abord rappelons qu’on ne soupçonnerait en rien la présence de la taupe sans les monticules qu’elle élève en cheminant. Elle vit en effet sous terre d’où sa très mauvaise vue, myope comme une taupe, et de ce royaume des ombres est venu le sens en 1798 d’« une personne demeurant sournoisement dans l’ombre, en cherchant à nuire en secret. » De là est issu en argot au XIXe siècle, l’espion. Ajoutons qu’en 1974, avec le roman de John Le Carré, La Taupe, ledit animal connaît si j’ose dire la pleine lumière.
Et concluons avec la définition d’un verbicrucistes, nous ramènant à nos jardins : « Taupe. Gardien de buttes ». Avec deux t, et hélas au pluriel !
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