Tendresse, en voilà un bien joli mot qui a pour contraire, des mots que l’on n’aime guère tels que « dureté », « froideur », et qui a connu divers sens en grande partie oubliés pour ne garder principalement que le sentiment de douce marque de sympathie pour quelqu’un, sans reprendre tous les sens de l’adjectif « tendre ».
Par exemple, je peux dire qu’une pierre est tendre ou qu’une viande est tendre, mais je ne peux pas parler de la tendresse d’une pierre ou d’une viande. Et voilà ce que dit le grand lexicographie Littré dans une remarque à la fin de son article consacrée au mot « tendresse » et où il cite le célèbre auteur des Remarques sur la langue française, Vaugelas, qui au reste fut l’artisan premier de la première édition du Dictionnaire de l’Académie française paru en 1690. « Vaugelas, déclare Littré, voulait qu’on dit tendresse, en parlant des viandes tendres », et Littré de le citer : "Tendreté ne vaut rien, tendreur encore moins" ; il faut dire tendresse ». Et de citer également Pougens dans ses Nouvelles remarques : « Artichauts, mes beaux artichauts, toute la tendresse, toute la verduresse, cri qu’on entendait autrefois dans les rues de Paris ; cela était conforme à Vaugelas ».
Il faut bien le constater aujourd’hui dans l’usage, je serai presque ridicule d’évoquer la « tendresse » d’un artichaut, et j’aurais sans doute droit à une remarque ironique sur les « cœurs d’artichaut »… Quant à la tendreté, elle est certes présente dans nos dictionnaires, le Petit Robert signale le fait que ce mot a eu un certain regain au XVIIIe siècle mais qu’il était critiqué au XVIIe. Et de fait, si est bien cité Bernardin de Saint-Pierre, évoquant la « tendreté des tiges du blé », force est de reconnaître qu’on entend jamais ou presque vanter la tendreté d’une viande, usage possible et signalé dans nos dictionnaires. Et dans le fond, j’aime assez à ce que la tendresse reste d’abord humaine. Avec parfois de bien jolies formules.
Par exemple, traduit de Shakespeare : « le lait de la tendresse humaine », et bien sûr l’irremplaçable « tendresse maternelle ». Et pour conclure, il y a, signalé aussi dans nos dictionnaires, cette expression rare, présentée comme pouvant être mise au bas d’une lettre : « Mille tendresses ». Eh bien ce sera le mot de la fin adressés à toutes nos auditrices et tous nos auditeurs.
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