Au risque d’être un peu poil à gratter je voudrais prendre le contre-pied des médias qui ont repris les uns derrière les autres les propos relatifs au sapin de Noël du Maire de Bordeaux et ceux du Maire de Lyon sur le Tour de France. Ces médias ont vu l’arbre qui cache la forêt mais ne sont pas rentrés dans la forêt. L’arbre de la dépêche AFP, de BFM, des médias qui se nourrissent de plats préparés dans des cantines industrielles, des réseaux sociaux.
Remis dans son contexte, je trouve extrêmement pertinent que soit interrogée l’installation des sapins de Noël de Bordeaux comme de partout ailleurs. A l’heure où l’on salue les propos du Pape François, de Nicolas Hulot ou de Pierre Rabhi qui appellent au ralentissement urgent des moteurs de la société de consommation, à l'heure où les associations agissant sur le terrain social sont exsangues, le sapin de Noël qui trône à grands renforts d’éclairage au sein de nos villes, couverts de cadeaux en papier d’aluminium, est le symbole de l’écœurante période de surconsommation d’objets en plastique de la fin d'année. C’est le moment où le superflu inonde les pieds de cheminée, où s’exprime de la façon la plus flagrante la contradiction entre le message originel de la naissance du Christ et sa traduction dans nos vies. Oui la Mairie de Bordeaux a raison de penser que les 60 000 euros du sapin de Noël peuvent être mieux utilisés.
Si la COVID n’était pas passée par là, la caravane commerciale du Tour de France aurait distribuée des millions de drapeaux et autres babioles made in China à des badauds agglutinés pour voir passer des cyclistes transformés en panneaux publicitaires. Encore cette année les invités du Tour sont transportés en avion vers l’aéroport le plus proche de l’étape, puis pris en charge dans un hélicoptère pour aller sur les lieux mêmes où se trouve le peloton. Les villes qui accueillent les étapes du Tour payent plusieurs centaines de milliers d’euros au Tour pour obtenir son passage.
Le Tour de France doit se repenser intégralement pour redevenir un événement joyeux en phase avec notre époque, car c’est un événement sportif extraordinaire, mais qui doit cesser de faire la promotion de paradis fiscaux ou d'extracteurs d’énergies fossiles arborés sur les maillots des coureurs. Je ne vais pas vous faire le coup de la grenouille dans sa casserole au bain-marie mais je vis de plus en plus mal que nos seules réponses à la crise climatique soient cosmétiques.
L’arrêt immédiat de l’activité mondiale en mars dernier, à cause de la COVID, a donné une petite idée de l’écart entre nos actes et ce que nous devrions faire pour être au rendez-vous des enjeux des émissions de CO2. Ce sont à des changements structurels que nous sommes appelés, à de vraies conversions que nous sommes invités (à ski une conversion c’est partir à l’opposé de ce vers où nous allions). Or nous bricolons. Et nous moquons ceux qui travaillent en cohérence à des transformations radicales de notre société. En faisant cela, en regardant l’arbre de Bordeaux sans entrer dans les forêts californiennes, nous sommes du côté du conservatisme, de ceux qui espèrent qu’il y aura de la neige à Noël et des cadeaux au pied du sapin.
Chaque jeudi, à 7h20 dans la matinale, la chronique de Julien Dezécot, Directeur de publication, cofondateur du Magazine Sans transition, et de Lucile Schmid, essayiste, ancienne conseillère régionale d'Île-de-France et co-fondatrice de La fabrique écologique.
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