Le président Erdogan est au pouvoir depuis 15 ans, comme Premier ministre, puis président. Une récente réforme constitutionnelle lui a récemment donné les pleins pouvoirs. Depuis le putsch manqué de 2016, celui que l’on surnomme « Le Sultan » a durci ses positions, verrouillé la presse, muselé les ONG. Il se présente évidemment dans le cadre de cette élection. Un scrutin joué d’avance ?
"Il est possible que l’élection ne soit pas une formalité pour Erdogan et qu’il rencontre un certain nombre de problèmes. Cette élection est un peu inédite. Il y a deux élections en même temps. Les élections législatives, à un seul tour, et les élections présidentielles, à deux tours. C’est là qu’est le problème pour Erdogan. Le premier tour de 2018 est très différent du premier tour de 2014. En 2014, il n’y avait que trois candidats alors que là il y en a six. Il y a par la force des choses une dispersion des voix. On peut penser qu’avec six candidats, il aura besoin du deuxième tour pour être élu. Tout dépend aussi des législatives. Si Erdogan l’emporte aux législatives, il a toutes les chances d’être élu au deuxième tour. Si ces législatives se terminent par un revers de l’AKP, Erdogan se retrouvera en mauvaise position" explique Jean Marcou, enseignant chercheur à Sciences Po Grenoble et spécialiste de la Turquie.
"Muharrem Ince est en réalité le candidat du parti kemaliste qui est le principal parti d’opposition, qui n’a pas présenté son leader à cette élection. Donc c’est un peu le représentant de ce parti, et donc probablement celui qui sera au deuxième tour, s’il y a un deuxième tour. Muharrem Ince est une personnalité qui s’est révélée à l’occasion de cette élection. Il a pris son rôle de représentant du CHP au sérieux. Cela dit, c’est une personnalité politique récente, et il n’a pas une expérience aussi forte des campagnes qu’Erdogan" ajoute Jean Marcou.
"C’est l’achèvement de la réforme de 2017. Le référendum de 2017 qui modifie la Constitution et qui fait de la Turquie un régime présidentiel autoritaire pour l’instant n’a été appliqué qu’en partie. S’il est élu, il va appliquer totalement cette réforme. Le Premier ministre va disparaître, de nouveaux organes vont contrôler la justice. Le président va pouvoir jouir de tous ses pouvoirs constitutionnels. On peut s’attendre à la mise en place définitive de cette réforme constitutionnelle qui va faire de la Turquie un régime présidentiel centralisé autour de la personne d’Erdogan" conclut ce spécialiste de la Turquie.
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