On est au Liban et on assiste à la plantation d’un cèdre. C’est l’arbre emblématique du pays, au point qu’on le retrouve sur le drapeau. D’ailleurs, pour ceux et celles qui ne l’auraient pas reconnu au premier coup d’œil, une femme à l’arrière plan tient dans ses mains des drapeaux libanais, rayés de rouge et de blanc, avec un beau cèdre vert dessiné au centre.
Mais ce n'est tout de même pas elle que l'on voit en premier. Non, ce que l’on remarque d’abord, c’est le premier plan. Et là, on a l’arbre. Un cèdre plutôt jeune. Alors je ne suis pas jardinier, mais j’ai appris que le cèdre du Liban était conique pendant ses 30 premières années, avant de prendre une forme tabulaire. Ce qu’on voit, donc, c’est un jeune arbre dans un trou, et à côté le président français, Emmanuel Macron, une pelle à la main, en train de déverser une terre sèche et ocre autour de ses racines. Ce qui amuse bien sûr, c’est qu’il a l’air aussi jardinier que moi : il porte un costume parfaitement cintré, bleu foncé, une chemise blanche parfaitement repassée, une cravate bleu nuit très bien nouée, des souliers vernis. Impeccable, alors qu’autour de lui le sol est rocailleux, la terre est brûlée et on imagine qu’il est facile de se salir en marchant.
On voit que la scène est isolée, en effet. A l’arrière plan, il y a deux femmes qui le regardent travailler, mais aussi, et surtout, les montagnes de la réserve de Jaj, qui regroupe des cèdres millénaires. Un cadre naturel magnifique. C’est un beau cliché, car bien sûr planter un arbre, et encore plus un cèdre, c’est très symbolique. Ce n’est pas aux auditeurs de cette antenne que je vais rappeler que cet arbre est cité plusieurs fois dans la Bible, utilisé par Salomon pour construire la charpente du temple de Jérusalem. Lamartine dit des cèdres qu’ils « savent l'histoire de la terre, mieux que l'histoire elle-même » Et Antoine de Saint Exupéry en fait aussi un symbole, dans son Citadelle : comme le cèdre, écrit-il, « La paix est un arbre long à grandir ».
L’image est là, apaisante, même si elle ne fait pas oublier celles terribles de l’explosion au cœur de Beyrouth cet été. Mais alors, j’ai la chance de connaître un tout petit peu le Liban, j’ai été invité par le Grand lycée franco-libanais de Beyrouth à la rencontre des élèves pendant une semaine inoubliable… Et je peux vous dire que la réserve de Jaj, c’est aussi très bien choisi : c’est une des rares terres du pays qui ne soit liée à aucune formation politique. Pas de récupération possible ! L’image était donc raccord avec le propos : le pays doit avoir de la patience (l’arbre qui pousse), de l’unité (la terre qui n’est pas revendiquée), et peut compter sur la France à ses côtés (le président qui tient la pelle). Tout est calé. Ah oui, sauf le dernier détail. Le président et les deux femmes derrière lui portent un masque blanc sur le nez et la bouche. Covid oblige. On n’est jamais à l’abri d’une nouvelle crise. C’est sûr, c’est bien une image de 2020.
Chaque vendredi dans la Matinale RCF, David Groison commente une photo de presse.
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