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Verrou de Bercy

RCF,  - Modifié le 5 mars 2018
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Imaginez-vous au restaurant : un couple part sans payer et laisse une ardoise de 60€. C’est, ni plus ni moins, que du vol. Imaginez maintenant la même scène en multipliant les sommes par un milliard : vous avez peu ou prou le paysage de la fraude fiscale en France. L’État perd plus de 60 milliards d’euros chaque année du fait de ceux qui ne paient pas leur addition – les impôts qu’ils doivent. Ici aussi, le comportement fautif s’apparente à du vol.

D’ailleurs, le vol et la fraude fiscale sont à ce point semblables que le code pénal les punit d’une même peine maximale de cinq ans d’emprisonnement – qui peut être alourdie quand le larcin est commis en bande organisée. Mais entre les deux, il y a quand même de grandes différences. J’en vois au moins trois :

- La victime d’abord : dans un cas un entrepreneur privé, dans l’autre la collectivité entière, autrement dit : nous tous. Car le manque à gagner dans le budget de l’Etat se traduit, au choix, par un trou dans le budget (un creusement du déficit), par des coupes dans la dépense publique, et/ou par une surcharge à payer par les autres contribuables (rappelons que la TVA fournit la moitié des recettes de l’Etat, donc les plus pauvres aussi sont des contribuables).

- Les mots utilisés, ensuite, ne sont pas les mêmes : au restaurant, on dénoncera volontiers les voleurs. Pour le fisc, on parlera plutôt de « mauvais payeurs »… quand on ne rend pas carrément hommage à l’habileté à se dérober à l’impôt !

- Une troisième grande différence tient dans le traitement réservé au fautif. Le vol, lui, est traqué par la police. Ses auteurs, s’ils sont rattrapés, doivent en répondre devant le juge du tribunal correctionnel. Et le jugement sera rendu public. La fraude fiscale, elle, est l’affaire de l’administration fiscale. Et de personne d’autre… ou presque. Sur les 16 000 infractions fiscales repérées chaque année, seules 1000 (6%) sont transmises au juge ! Et c’est au fisc lui-même de décider quels dossiers faire remonter à une certaine Commission des infractions fiscales – la « Cif », dans le jargon – qui à son tour jugera de la pertinence ou non de transmettre l’affaire au parquet. En général, le fisc garde pour lui les grosses affaires et ne renvoie devant le juge que le menu fretin - des petits patrons du BTP mal conseillés… Autrement dit, les multinationales et les grosses fortunes échappent à tout procès, et pour l’heure, les éventuels redressements fiscaux dont ils font l’objet restent secrets[1]. En matière de fraude fiscale, on a donc vraiment une justice à deux vitesses !

Depuis janvier, des députés se penchent sur le sujet et envisagent de faire sauter ce système qu’on appelle le « verrou de Bercy ». Bien sûr, cela ne suffit pas : les moyens du fisc doivent être renforcés, davantage ciblés contre la fraude complexe, les juges doivent être mieux formés… Mais moi qui suis mobilisé sur la question depuis quelques années[2], je ne peux que me réjouir de cette perspective ! Avec l’espoir qu’enfin, les voleurs d’argent public et leurs complices passent à table.

[1] Gérald Darmanin, le ministre des Comptes publics, a récemment annoncé l’intention du gouvernement de rendre publics les redressements fiscaux infligés dans certains cas symboliques. Mais qui en décidera ?
[2] Cf. cette tribune de 2013 http://www.liberation.fr/futurs/2013/07/15/fraude-fiscale-faire-sauter-l.... L’ouvrage de référence sur la question : http://www.revue-projet.com/comptes-rendus/2015-11-spire-weienfeld-l-imp...

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