Thomas Villemonteix, maître de conférences en psychologie et membre fondateur de l’association 1001mots nous parle des peurs des jeunes enfants.
Les parents le savent sans doute déjà : la survenue de peurs durant la petite enfance fait partie du développement normal d’un enfant. Vers 8 mois environ, apparaissent généralement chez les bébés deux peurs qui sont très liées : la peur de la séparation d’avec les figures d’attachement, et la peur des personnes peu familières. Ces peurs apparaissent à un âge où le bébé commence à réaliser qu’il représente une entité corporelle à part entière, séparée de ses donneurs de soin. Il commence également à reconnaître ces derniers et à les différencier des autres adultes.
À cette période, le fait qu’une des figures d’attachement s’éloigne peut susciter une anxiété importante, car l’enfant n’a pas encore la maturité cognitive suffisante pour se représenter le fait que le donneur de soin sorti de son champ de vision existe toujours, et n’est pas non plus en capacité de prédire à quel moment l’adulte reviendra. À la même période environ, la proximité de personnes peu familières pourra également représenter une présence inquiétante et susciter une réponse de peur.
Il s’agit d’une étape développementale qui va généralement s’achever vers l’âge de 2 ans, lorsque la maturation cognitive est suffisante pour que l’enfant ait un meilleur sentiment de contrôle sur ces dynamiques. Il existe cependant des enfants qui peuvent conserver une anxiété de séparation, une peur des personnes non-familières, et plus généralement une peur des situations nouvelles à des âges plus avancés. Il existe un terme scientifique pour décrire ces comportements persistants chez un enfant. On dira ainsi d’un jeune enfant qu’il a un tempérament d'inhibition comportementale lorsqu’il semble souvent craintif, qu’il n’ose pas explorer les environnements nouveaux ou interagir avec les autres enfants ou les adultes, ou encore qu’il cherche à éviter ou à se retirer de situations peu familières.
Cela peut évoluer avec le temps, il n’y a donc rien de figé pour un enfant donné, mais il a été montré que ce trait de tempérament était un prédicteur de l’anxiété ultérieure de l’enfant et même de l’adulte, ce qui veut dire quand même que les enfants qui présentent ce tempérament précoce ont plus de risques de développer plus tard des troubles anxieux que les autres enfants, notamment un trouble d’anxiété sociale.
Il s’agit d’un trait de tempérament, et comme les autres traits humains il est influencé par une combinaison très complexe de facteurs : des causes génétiques en particulier, et des causes dites environnementales, c’est-à-dire liées à l’histoire de vie du jeune enfant, durant la phase embryonnaire et après.
D’une manière générale, les recherches montrent que nous avons tendance à surestimer le rôle que les comportements parentaux jouent dans la survenue de difficultés psychologiques ou de certains traits chez l’enfant. En dehors des comportements de maltraitance, les comportements parentaux n’exercent qu’une influence modérée sur la santé mentale de l’enfant. Pour l’anxiété de l’enfant par exemple, on estime qu’ils ne représenteraient que 10 % environ des facteurs qui expliquent la survenue de troubles anxieux. Ils sont donc loin de tout expliquer. Mais une fois cette nuance faite, il est vrai que les recherches ont mis en évidence des liens entre certains pratiques parentales et la persistance de l’anxiété chez l’enfant.
Les chercheurs ont étudié plusieurs dimensions de la parentalité, et il apparaît que la tendance d’un parent à surprotéger son enfant, et à lui garantir peu d’autonomie, pourrait être en cause. C’est ici que peut s’installer un cercle vicieux assez logique : si vous savez votre enfant très craintif, vous pouvez par compassion être incité plus souvent à chercher à lui éviter de ressentir de la détresse émotionnelle, en prévenant les situations qui risquent de le déstabiliser. Si cela va le protéger de ses émotions à court terme, cela ne l’aidera pas à faire grandir sa confiance dans sa capacité à faire face à ce qui l’effraie. Pour éviter de rentrer dans ce cercle vicieux, il est utile que tous les parents apprennent à encourager les jeunes enfants à affronter courageusement leurs peurs.
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