Canicules à répétition, fonte des glaciers, disparition des espèces, la planète va mal et ça peut angoisser quant à l'avenir. L'éco-anxiété, un phénomène qui se développe, notamment auprès des jeunes générations. Par quoi se traduit-elle ? Comment réagir en tant que parents ? Le point avec Lélia Benoit, pédo psychiatre et chercheuse spécialisée dans le changement climatique et la santé des enfants- adolescents à l'Inserm et université de Yale aux Etats-Unis.
"On a de plus en plus l’impression qu’il n’ y a plus de trop de saisons, tout est déréglé, il fait chaud jusqu’à fin septembre, c’est pas normal !" Pas affolée, mais plutôt perplexe, Elisa*, 10 ans. Un premier signe d’éco anxiété ?
L’éco anxiété, nouveau mal du siècle ? "Ce n’est pas un nouveau trouble mental", rassure la pédo psychiatre Lélia Benoit. "C’est en fait une réaction saine par rapport à des désordres environnementaux bien réels et qui sont générateurs d’émotion, comme la peur, la tristesse, mais aussi l’espoir et l’envie d’agir." C’est pourtant l’inquiétude qui domine. D’après plusieurs études, 70 % des adultes seraient préoccupés par le changement climatique et 7 jeunes sur 10, tous pays confondus. Une perception qui diffère selon l’âge "Entre 7 et 11 ans, on est plutôt inquiet pour sa famille ou les animaux qui disparaissent. Ado, on est plus ouvert sur le monde et sa complexité" souligne la chercheuse française.
Passé ce constat, comment gérer cette éco anxiété ? "C’est un processus qui s’apparente à celui du deuil", estime la pédo psychiatre. Une phase de perte, celle d’un espoir ou d’une idée, puis un déni, une négociation –ça va s’arranger- suivi de la colère et de l’indignation avant finalement d’accepter la situation. Mais faut-il se révolter contre les générations précédentes, à l’image de la militante suédoise Greta Thunberg ? "Je n’en veux pas tant aux adultes d’avoir laissé se dégrader la planète" déclare Benjamin*, 11 ans, dans un micro trottoir. "Je leur en veux maintenant de ne rien faire et de nous laisser gérer le problème, assis sur leur canapé ! » Ce que confirme Lélia Benoit "Aujourd’hui, les jeunes souffrent de ne pas se sentir écoutés et ont besoin de l’aide des adultes pour agir."
Agir oui, mais comment ? Trier ses déchets, économiser l’eau, l’électricité, prendre son vélo. Autant d’éco gestes à la portée des enfants et qui selon la chercheuse de l’Inserm représentent 30 % des actions pour lutter contre le changement climatique. Aux parents de montrer l’exemple et surtout d’expliquer, sans dramatiser. "Ne plus manger de viande ou réduire ses emballages, c’est un choix que les enfants doivent comprendre.". Quitte ensuite à les encourager s’ils ont envie de monter des actions plus ambitieuses, comme installer des panneaux solaires dans leur école. Des projets souvent abandonnés, non par manque de motivation, mais faute d’accompagnement. En résumé, écouter leur inquiétude, ouvrir la discussion en famille et montrer qu’on peut agir ensemble. Un bon début pour apaiser l’éco anxiété ... et sans anxiolytiques !
* prénoms d'emprunt
Pour aller plus loin :
"L'infantisme" de Lélia Benoit paru aux éditions du Seuil. Une réflexion sur l'importance d'écouter la parole des enfants dans tous les domaines, dont l'écologie.
"Les émotions du dérèglement climatique" du Pr Antoine Pelissolo, psychiatre et du docteure Célie Massini, publié aux éditions Flammarion. L'impact des catastrophes écologiques sur notre bien-être et comment y faire face.
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