Peur, joie, colère, haine... Faut-il se méfier de nos émotions ou faut-il leur faire confiance ? Signe d'une certaine vitalité, d'un rapport au monde engagé et personnel, les émotions, et surtout la façon dont on les exprime dans notre société contemporaine font penser un trop-plein, à un épanchement massif, de l'ordre du débordement. Que faire donc de nos émotions ? Au travail, en famille, en couple, faut-il les montrer ou les dissimuler ? Qu'en est-il dans la vie spirituelle ? Pour nous donner des éléments de réflexion, la revue Christus a consacré son numéro de janvier 2019 au thème : "Place aux émotions !".
Au dire des spécialistes, nous vivons dans "l'ère de l'émotion". "Ma grand-mère cachait ses émotions, à table on ne montrait pas la moindre émotion, se souvient le P. de Maindreville, aujourd'hui c'est un peu l'inverse, si on ne montre pas d'émotion on n'est pas vivant, à la limite c'est l'émotion qui nous gouverne." Comme l'explique le Pr Jeammet, vouloir maîtriser ses émotions c'est déjà les manifester : puisque c'est la peur qui incite à ne pas vouloir les montrer... "On n'échappe pas aux émotions."
Qu'est-ce qu'une émotion ? Déjà chez saint Augustin, l'émotion est perçue comme quelque chose d'ambivalent, pouvant nous mener au meilleur comme au pire. Les émotions et la difficulté que l'on éprouve parfois à les comprendre, à identifier leur origine et leur cause, disent quelque chose de la complexité de la nature humaine. Une nature en lien étroit avec son environnement, sans cesse en interaction avec l'autre.
Chez saint Ignace on parle de "motion" pour désigner "un mouvement intérieur qui déborde de nous". Il y a la motion positive et la motion négative. Les spirituels nomment "consolation" ce qui "correspond au sentiment très fort d'être aimé ou d'aimer : c'est ce qui aide à grandir dans la foi, à accueillir la vie dans laquelle on se trouve".
Une motion peut aussi être négative : on l'appelle alors "la désolation" : "Ça se traduit par du repli, de la tristesse, de l'isolement ; spirituellement on se sent loin de Dieu, loin de nos sources spirituelles." Mais en prendre conscience c'est déjà en sortir. "Les émotions, précise le P. de Maindreville, peuvent alimenter ou conforter une motion qui déborde en moi et qui me fait du bien, elle peut au contraire venir la contrer."
Les progrès de la biologie nous ont permis d'en apprendre beaucoup sur les émotions. Le vivant, comme l'explique le Pr Jeammet, est "sans arrêt dominé par le besoin de se nourrir de l'échange et le besoin de se protéger de tout ce qui pourait le détruire". C'est le paradoxe du vivant : chaque cellule de notre être est un "territoire qu'il faudra défendre, mais qui ne peut exister que dans un échange constant".
De la même façon, "on ne peut être soi qu'en se nourrissant des autres et on ne peut rester soi qu'en se différenciant des autres". La confiance et la peur sont les émotions primaires, "mûs" commenous le sommes "par cette nécessité d'échanger".
RCF est une radio associative et professionnelle.
Pour préserver la qualité de ses programmes et son indépendance, RCF compte sur la mobilisation de tous ses auditeurs. Vous aussi participez à son financement !