"A quoi tu penses?" C'est la question que Jean-Louis Fournier pose à ses amis les bêtes. Chronique de l'arche de Noé, version comique.
Le dernier livre de Jean-Louis Fournier est publié par un éditeur heureux : je voudrais saluer Philippe Rey : il a remporté – première fois de son histoire – le prix Goncourt 2021 avec Mohamed MBougar Sarr et son roman La plus secrète mémoire des hommes. Et il a aussi publié Vincent Maillard qui, avec son livre L’os de Lebowski, a emporté le prix Trente millions d’amis. Un prix aurait très bien pu être attribué au livre que je vous présente aujourd’hui. Un livre qui n’a pas encore de prix mais qui pourrait bien rafler tous les suffrages dans les terriers, les zoos et auprès de nos animaux de compagnie.
Dans son dernier livre, Jean-Louis Fournier donne la parole à nos amis les bêtes, lesquelles sont invitées à répondre avec franchise à la question toute simple : « A quoi tu penses ? » Fournier est coutumier du fait, lui qui soliloque avec sa chatte Ardéco, qui nous a raconté la vie de La Noiraude et d’Antivol, l’oiseau qui avait peur du vide. Dans ce nouveau bouquin, il se met à leur écoute : « Je vais leur donner la parole, je vais donner ma langue au chat », annonce-t-il. Au chat, au poisson rouge et au crocodile aussi. Et quand on se souvient que Jean-Louis Fournier était le complice de Pierre Desproges, notamment pour La minute de monsieur Cyclopède – dont les plus anciens se souviennent -, on peut s’attendre à tout….
La mère biche
Les réponses se multiplient : « Je pense aux photographes animaliers, ils sont beaux », répond la biche qui pense aussi à ses enfaons (vous me suivez ?). Et contrairement aux idées reçues, le poulpe a des pensées intenses : « Je pense à la vie, je pense à la mort, je pense au paradis, je pense à l’enfer, je pense à la transcendance, je pense à la métaphysique, à l’éducation physique, je pense à la phénoménologie, je pense à la tautologie, je pense à l’astrologie, je pense à la philologie, je pense à la gastronomie, je pense à la relativité, je pense au PSG… »
Bébé phoque
Les animaux défilent, comme embarqués dans l’arche de Noé, on y trouve le macaque patraque, le dinosaure antique, la carpe assoiffée, la taupe de poche et le percheron girond, avant une série d’illustrations colorées réalisées par Dominique Lange. Le chat Ardéco met son grain de sel, alors que le phoque se prélasse en baie de Somme en pensant à Brigitte Bardot : « Grâce à elle, j’ai pu devenir un vieux phoque. C’était il y a cinquante ans, j’étais bébé, elle m’a sauvé. »
Règne animal
Peut-être parlerez-vous de ce livre à votre chat, votre cheval ou votre poisson rouge… On rit, on sourit, mais il y a dans ce texte un pari littéraire et aussi un propos engagé, qui n’oublie pas les milliers d’espèces menacées et le mépris de l’environnement. Par exemple, quand les milliardaires organisent le tourisme interplanétaire : « Après avoir bousillé la Terre, ils vont bousiller la lune. Je suis sûr que la première fois que l’homme a marché sur la Lune, il s’était pas essuyé les pieds », se plaint l’oie qui survole l’Everest. D’ailleurs, complète Ardéco, « pour de l’argent, certains hommes sont capables de tuer Terre et Mer, sans remords. » Le règne animal est peut-être plus sage que nous autres humains. Encore faut-il les écouter, deviner ce qu’ils disent derrière « leurs coassements, leurs bêlements, leurs mugissements, leurs caquètements, leurs rugissements, leurs braiments, leurs barrissements, leurs grognements, leurs hululements, leurs feulements, leurs roucoulements, leurs miaulements, leurs ronronnements, leurs aboiements, leurs stridulations, leurs piaulements… » quelle profusion ! Merci à Jean-Louis Fournier d’avoir été leur interprète : personnellement, je n’ai jamais été doué pour les langues étrangères.
A quoi tu penses ? de Jean-Louis Fournier, est publié aux éditions Philippe Rey.
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