Bonnard est incontestablement un artiste très connu et très bien représenté dans les collections des musées. Ce peintre à la longue carrière - il est né en 1867 et mort en 1947 – est très apprécié pour ses toiles aux couleurs chatoyantes. Pour autant, je crois que Pierre Bonnard n’est pas reconnu à sa juste valeur.
Dans le grand public, on considère son œuvre comme un simple prolongement de l’impressionnisme. Alors que sa peinture est en réalité profondément originale et a ouvert des voies nouvelles. Autant, par exemple, que celle de Matisse. Matisse qui avait d’ailleurs pour Bonnard une vive estime, contrairement à Picasso, lequel a eu un jour cette phrase très curieuse : "Je ne veux pas être touché par ce qu’il fait".
Pour la découvrir, on peut se rendre au musée de Grenoble qui présente depuis quelques jours une passionnante exposition, intitulée "Bonnard, les couleurs de la lumière". En 75 tableaux, auxquels s’ajoutent des dessins et des photos, on parcourt toute l’œuvre depuis ses débuts dans la villégiature familiale de l’Isère jusqu’à ses vieux jours sur la Côte d’Azur. Et c’est bien un parcours vers la lumière. Sa palette ne cesse de s’illuminer davantage, qu’il s’agisse de paysages ou de nus de sa femme Marthe, dans leur salle de bains.
Alors, au premier abord, oui, on se dit que c’est un peintre post-impressionniste qui plante son chevalet face à un paysage ou face à une personne. Sauf qu’en réalité, cela ne se passe pas comme cela. Bonnard prend des croquis sur le vif mais ensuite il travaille seul dans son atelier. Il travaille inlassablement sur les couleurs, sur la touche de la peinture. Au point de négliger quelque peu la perspective ou le modelé de visages. Ce qui donne à ses toiles une sorte de maladresse. Mais, quand on les regarde attentivement, on découvre des merveilles, de sublimes juxtapositions de teintes, un velouté unique de la matière picturale. On frôle l’abstraction sans jamais que le pas ne soit franchi.
Il a eu un jour une jolie phrase pour expliquer ce choix farouche qui l’a coupé des avant-gardes : "Il est toujours nécessaire d’avoir un sujet, si minime soit-il, de garder un pied sur terre". Alors Bonnard, inlassablement, peint le corps de sa femme, les paysages qui entourent sa maison en Normandie ou plus tard, au Cannet. Il travaille dans son atelier sur des toiles punaisées au mur, les unes à côté des autres sur les murs, et ne cesse de les reprendre.
Jusqu’au dernier jour. L’exposition de Grenoble se termine par son ultime tableau, un amandier en fleurs dont l’histoire est belle. Alors qu’il est mourant, Bonnard demande à un de ses proches de l’aider à modifier le bas de la toile qui ne le satisfait pas. "Ce vert - sur le terrain, là - ne va pas. Il faut du jaune". On l’aida alors, écrit son petit-neveu Antoine Terrasse, à "poser, pour la dernière fois, un peu d’or sur notre terre".
Musée de Grenoble, jusqu’au 30 janvier
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