Il y a des objets qui marquent leur époque. La langue italienne a un mot pour dire cela : epocale. Et, justement, l’inventeur dont je veux vous parler était un Italien, Ettore Sottsass, né en 1917 et mort en 2007. Alors, ce n’est pas lui qui a inventé la machine à écrire. L’objet a été mis au point dans la seconde moitié du XIXe siècle. En revanche, un siècle plus tard, Sottsass a inventé une machine à écrire qui a complètement renouvelé la perception que l’on avait de cet outil plutôt austère.
Nous sommes au milieu des années 1960, alors qu’un grand vent de changement souffle sur le monde occidental. Sottsass travaille pour Olivetti, une célèbre marque italienne de matériel de bureau qui a toujours été en pointe dans le domaine du design. L’idée lui vient de proposer une machine facile à transporter. Elle est carrossée de plastique et non de métal, première innovation.
Et surtout ce plastique est de couleur rouge vif, là où prévalaient alors des teintes tristounettes. Pour couronner le tout, l’objet est dénommé Valentine au lieu des noms chiffrés habituels. Le succès est vaste et immédiat. À tel point que Sottsass en concevra beaucoup d’agacement. Car, longtemps, il n’a été connu que comme l’auteur de Valentine au détriment de tout le reste de son travail et de ses recherches.
De formation, Sottsass était architecte. Puis il est devenu designer. Mais il a fait aussi de la peinture, de la sculpture, du graphisme, de la céramique, des bijoux. C’était également un photographe compulsif qui a pris une centaine de milliers de clichés au cours de ses très nombreux voyages à travers le monde.
Une exposition qui se tient actuellement au Centre Pompidou à Paris met en avant la diversité des facettes de son art, au point d’ailleurs que la dimension design y est quelque peu minimisée. La Valentine n’occupe qu’une toute petite place entre deux salles. C’est en se rendant ensuite dans la boutique du Centre Pompidou que l’on découvre des objets destinés à la vie de tous les jours signés Sottsass. Je dois tout de même préciser que les prix de vente ne sont pas ceux de grands magasins suédois dont il n’est pas nécessaire de prononcer le nom.
Au début des années 1980, alors qu’il avait dépassé les 70 ans, Sottsass a fédéré autour de lui un groupe de jeunes designers au sein d’un mouvement dénommé Memphis, resté célèbre jusqu’à aujourd’hui. Ils ont produit des meubles et des objets très colorés, assez théâtraux qui, là aussi, ont marqué un tournant. La sobriété du modernisme, la rigueur du fonctionnalisme étaient battues en brèche par des meubles provocants, expressifs, drôles, des meubles, selon l’expression de Sottsass, « destinés à la vie ». Il disait aussi : « Le devoir des artistes doit être d’indiquer les chemins de la fantaisie, de la surprise, de l’indépendance. » Au terme de sa longue vie, Sottsass a pu se dire : mission accomplie.
Exposition au Centre Pompidou à Paris jusqu’au 3 janvier 2022.11h - 21h, tous les jours sauf mardis
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