Doit-on aller vers une autorisation de l'aide active à mourir ? Les avis divergent dans ce débat organisé par RCF et les Semaines Sociales de France réunissant
Claire Fourcade, médecin en soins palliatifs et présidente de la Société Française d’Accompagnement et de Soins Palliatifs (SFAP) et Alain Claeys, co-rapporteur du dernier avis du comité d'éthique sur la fin de vie et auteur avec Jean Leonetti de la loi bioéthique de 2016 sont au micro de Stéphanie Gallet.
Pendant trois mois, plus de 180 citoyens ont débattu sur le sujet de la fin de vie dans le cadre d’une convention citoyenne. Le dimanche 19 mars, le groupe finalisera la rédaction des propositions remises au gouvernement sur la question, entres autres, de "l’aide active à mourir" autrement appelée "euthanasie" ou "suicide assisté".
Claire Fourcade, médecin en soins palliatifs et présidente de la Société Française d’Accompagnement et de Soins Palliatifs (SFAP) et Alain Claeys, co-rapporteur du dernier avis du comité d'éthique sur la fin de vie et auteur avec Jean Leonetti de la loi bioéthique de 2016, se retrouvent sur ce point : le débat de la fin de vie doit être porté par la société.
"Je ne sais pas s’il y aura de loi. Mais ce que je sais, c’est que la démocratie représentative, les parlementaires mais aussi l’exécutif […] pourront s’enrichir des débats de cette convention donc je suis positif sur l’abord de cette thématique aujourd’hui dans notre société " observe ce dernier.
Claire Fourcade partage l’optimiste et l’intérêt d’Alain Clayes quant à la tenue de cette convention : "On est tous concernés par ce débat sur la fin de vie, pour nous, pour nos proches, pour ceux qu’on accompagne."
Claire Fourcade, médecin en soins palliatifs depuis 25 ans, rappelle que les soignants ont une place particulière dans l’accompagnement. En plus d’être concernés en tant que citoyens, ils sont directement impliqués en tant que professionnels de la santé. "Nous accompagnons des personnes et leurs proches qui arrivent à la fin de leur vie, au nom de toute la société. C’est pour ça que ce débat est pour nous extrêmement important, parce que nous avons besoin d’être portés par la société pour accompagner" explique-t-elle.
Au-delà d’un débat « pour ou contre », l’accompagnement de la mort est bien plus complexe à gérer au quotidien pour les soignants, rappelle la médecin. "Notre métier c’est la gestion de l’incertitude et donc, voir se déplier cette complexité et cette incertitude dans le débat collectif c’est extrêmement important pour nous."
Nous avons besoin d’être portés par la société pour accompagner
"La médecine palliative, c’est la médecine de la maladie qui ne va pas guérir, ce n’est pas la médecine de la fin de vie contrairement à ce qu’on imagine beaucoup" rappelle Claire Fourcade, médecin en soins palliatifs depuis 25 ans. Contrairement à la médecine traditionnelle, qui a pour but de guérir et qui dans ce sens peut parfois être plus agressive, la médecine palliative va accompagner les patients à faire des choix qui améliorerons leur qualité de vie, le plus longtemps possible. Deux tiers des français n’auraient pas accès aux soins palliatifs. Alain Claeys, ajoute qu’en effet 20 départements français sont aujourd’hui privés de soins palliatifs.
Alain Clayes, co-auteur de la loi Léonetti de 2016, déplore le manque de spécialistes des soins palliatifs en France ainsi que le peu de recherches effectuées sur le sujet. Avec un plan de développement des soins palliatifs dont le montant est de 50 centimes par français et par an, il n’est pas étonnant que le développement des soins palliatifs soit si lent, ajoute Claire Fourcade.
Malgré tout, elle se réjouit que le débat actuel marque une prise de conscience de la société. Et que cela vaille dans le sens du développement des soins palliatifs en France.
"Je suis choqué d'entendre certain dire que l'aide active à mourir serait une solution de facilité pour ne pas prendre en charge les patients."
Pour Claire Fourcade, présidente de la Société Française d’Accompagnement et de Soins Palliatifs (SFAP), la réponse est non. Le rôle du soignant est avant tout de soulager et d'améliorer la qualité de vie, comme le permet la loi Leonetti 2016 que la médecin défend. "Actuellement la loi nous dit "vous devez soulager quoi qu’il en coute", par le biais de la sédation qui permet de faire varier le niveau de conscience des patients. […] C’est parce que nous avons les moyens de soulager que nous pouvons tenir la promesse du non-abandon. »
Pour elle, la loi de 2016 donne un cadre légal et éthique suffisant pour permettre au soignant de faire son métier correctement. "Quand un patient dit "je veux mourir", la loi vient dire, vient mettre une limite, c’est ce qui va nous permettre d’entamer la discussion. Si quand un patient dit "je voudrais mourir", on lui répond "à quelle heure ?" c’est très différent de ,quant on va, comme on le fait actuellement, s’assoir et lui dire "qu’est ce qui fait qu’aujourd’hui vous venez nous dire ça que vous n’avez pas dit hier, qu’est ce qu’il s’est passé ? Qu’est-ce qu’on peut faire pour vous ?" explique-t-elle.
Pour Claire Fourcade "la clause de conscience" réclamée par les médecins n’est pas suffisante. "Elle protège le soignant, mais nous ne voulons pas être protégés." La vocation des soignants est d’être présents pour leurs patients. Les abandonner irait à l’encontre même de ce pourquoi ils font leur métier. "L’idée pour nous est de ne pas s’en aller à la fin quand c’est difficile" résume la médecin.
Alain Claeys, à l’origine de la loi Leonetti-Claeys, se demande si il y a une vraie différence entre "une sédation profonde et continue jusqu’à la mort" encadrée par la loi Leonetti et "une aide active à mourir", terme utilisé dans le débat actuel. Il évoque le principe de "double-effet". Pour lui, avec la sédation, on soulage mais il a un effet prévisible mais non recherché, qui reste la mort.
Pour Alain Claeys, les concertations récentes ont permis de prouver qu’il pouvait y avoir une base éthique à "l’aide active à mourir". Pour cela, certaines conditions strictes doivent être respectées. Il faut que le patient puisse faire sa demande de manière autonome et que la décision soit prise de façon collégiale et médicale. Alors seulement, il peut y avoir une prescription pour un produit létal, comme le décrit l’article 139.Au vue des conditions strictes à appliquer, Alain Claeys se dit "choqué" d’entendre certain dire que "l’aide active à mourir serait une solution de facilité pour ne pas prendre en charge les patients".
Pour Claire Fourcade, il faut être vigilant à la nature des demandes pour pouvoir répondre correctement à la question à la fois médicale et sociale que pose le débat sur la fin de vie. Même si la mort reste la finalité une finalité probable dans quel contexte advient-elle ? La demande d’accompagnement d’un patient atteinte de maladie grave doit-elle être traitée de la même manière qu’une personne en bonne santé ?
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