4. MARIE MADELEINE
Henri-Dominique Lacordaire avait le don de l’amitié. Ecoutons les pages admirables de son dernier livre publié sur Marie Madeleine en 1859 un an avant son entrée à l’Académie française, deux ans avant sa mort. Apôtre des apôtres, première des disciples du Christ à prêcher la Résurrection du Christ, figure de conversion et preuve éclatante de la puissance de la miséricorde divine qui peut embellir les âmes des plus grands pécheurs, patronne de l’Ordre des Prêcheurs, contemplons Marie Madeleine au matin de Pâques.
Saint Pierre et saint Jean se précipitent ; Madeleine seule les suit. Ils arrivent au monument ; ils entrent : rien. Le linceul est dans la pierre, le suaire de la tête à part. Les deux apôtres ne savent que penser, et se retirent. Personne encore sur la terre ne comprenait ce qui s’était passé, ni saint Pierre, ni saint Jean, ni Marie Madeleine. Un voile était sur tous les yeux. Où est Jésus ? Madeleine est restée seule, seule des saintes femmes, seule des apôtres, seule de tous, avec ce tombeau vide et tant aimé. Ô moment de l’amour aux prises avec la mort, et ne sachant pas encore que la mort est vaincue.
Ainsi dans ce moment solennel de la résurrection du Sauveur, moment qui a décidé de tout, de la victoire de Dieu sur le monde et de la vie sur la mort, ce n’est pas à sa mère que Jésus apparaît d’abord ; ce n’est pas à saint Pierre, le fondement de l’Eglise et le sommet de la théologie ; ce n’est pas à saint Jean le disciple bien-aimé : c’est à Marie Madeleine, c’est-à-dire à la pécheresse convertie, au péché devenu l’amour par la pénitence.
Femme, pourquoi pleurez-vous ? Jésus ne le lui avait point dit, lorsqu’au jour de sa conversion elle pleurait à ses pieds. Maintenant l’heure des larmes est passée; la pénitence, la croix, le tombeau, tout a disparu dans les splendeurs triomphantes de la résurrection. Marie ne doit plus pleurer que ces larmes qui sont éternelles dans le cœur des saints, parce que c’est Dieu qui les cause et l’extase qui les répand.
Qui cherchez-vous ? Il n’y a plus rien à chercher Marie : vous avez trouvé Celui que vous ne perdrez plus. Vous ne le verrez plus sur la croix entre les mains de la mort. Vous n’irez plus à son tombeau pour l’y embaumer dans les parfums de la charité. Vous ne le demanderez plus à personne sur la terre, à personne dans le ciel, à lui moins qu’à tout autre ; car lui c’est votre âme, et votre âme c’est lui. Séparés un moment, vous vous êtes rejoints dans le lieu où il n’y a plus d’espace, plus de barrière, plus d’ombre, plus rien de ce qui empêche l’union et l’unité. Vous êtes un comme il le souhaitait, un comme vous l’espériez, un comme l’est Dieu dans son Fils, au fond de cette essence que vous habitez par la grâce et que vous habiterez un jour par la gloire.
Marie ! Oh ! Quel accent eut ce mot ! accent de reproche, parce que Madeleine n’avait pas reconnu Jésus ; accent de révélation par le reproche. Marie ! hélas ! ici-bas même, que notre nom est doux dans la bouche d’un ami, et qu’il va loin au fond douloureux de notre être ! Et si c’était Dieu mort pour nous, ressuscité pour nous, qui nous appelât par notre nom, quel écho ne remuerait-il pas dans les infinies profondeurs de notre misère ! Marie-Madeleine entendit tout dans son nom ; elle entendit le mystère de la résurrection, qu’elle ne comprenait pas ; elle y entendit l’amour de son Sauveur, et dans cet amour elle le reconnut. Maître ! répondit-elle. Un mot lui suffit, comme un mot avait suffi au Fils de Dieu. Plus les âmes s’aiment, plus leur langage est court.
Des prêtres des diocèses de Lille, Arras et Cambrai font découvrir des auteurs qui les ont marqués. A travers des textes choisis, ils apportent un regard plus profond sur la pensée d'auteurs chrétiens. Une émission coordonnée par Géraldine Roquette.
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