"Les amis, que cherchent-ils d'autre sinon à devenir un ? ". C'est ainsi que Saint Augustin décrivait l'amitié. Une conception vécue après le décès tragique d'un de ses amis. Retour sur son expérience et sa définition de l'amitié avec Jean-Paul Mongin, écrivain et éditeur des "Petits Platons".
Tout a changé depuis l’Antiquité, à savoir notre manière de comprendre le monde, notre manière de faire en société, nos amours, notre manière de nous rapporter à nous-même ou de nous adresser à Dieu. Par contre, ce que nous appelons "amitié" a semble-t-il peu varié au fil des millénaires. Pour qui s’intéresse à l’histoire des mentalités et voudrait se faire le contemporain des anciens Grecs, il n’est même pas besoin de pratiquer le questionnement philosophique, il suffit de vivre l’expérience de l’amitié.
"L’amitié, c’est cette volonté de procurer du bien à quelqu’un, lui qui est l’objet de notre amour, tandis qu’une volonté identique existe chez lui" est la définition de l'amitié selon Saint Augustin. Faut-il encore distinguer l’amitié qui vient de l’accoutumance, du fait d’échanger fréquemment avec quelqu’un, de l’amitié issue d'un choix véritable par dilection.
L’amitié d’habitude, même les animaux en sont capables, est loin d’être blâmable, mais elle reste purement charnelle, alors que l’amitié de dilection est une amitié plus forte qui tend à la fusion des âmes. "Les amis, que cherchent-ils d’autre sinon à devenir un ?" demande Saint Augustin.
"Amor manus animae" disait Saint Augustin, "l’amour, c’est la main de l’âme", laquelle ne peut tenir qu’un objet à la fois. Il y a dans ses fameuses Confessions, le récit de très nombreuses relations d’amitiés. Des camaraderies de débauche, des relations plus ou moins teintées d’intérêt, des amitiés philosophiques et surtout une très belle histoire d'amitié, singulière et intime datant de sa jeunesse. Saint Augustin la décrit comme une "douceur au-delà de toutes les douceurs de [sa] vie". Une histoire tragique, puisqu’elle va se terminer par la disparition de cet ami emporté par une terrible maladie.
Cet épisode est la plus grande épreuve vécue par Saint Augustin, plus douloureuse même que la perte de son fils ou de sa mère. Il raconte comment il bascule dans les ténèbres et comment il devient étranger à lui-même. "Tout ce que j’avais eu en commun avec lui, s'était changé, sans lui, en cruelle torture". 40 ans plus tard, lorsqu'il devient le théologien que l’on sait, Saint Augustin va écrire "Les Confessions", cette immense profession de foi et d’espérance. Il ne réussira pas néanmoins à évoquer ne serait-ce que le prénom de cet ami perdu. On ignore encore aujourd’hui l’identité du jeune homme.
La morale de cette histoire pourrait être : on peut vivre sans faire de philosophie, mais pas sans amis si l'on se réfère à ce qu'avait remarqué le philosophe Aristote : "Personne ne choisirait de vivre sans amis, eût-il tous les autres biens… même la philosophie".
Cette émouvante histoire d’amitié, et la destinée d’Augustin, racontée par Jean-Paul Mongin pour les enfants à partir de 9-10 ans dans son livre intitulé "La Confession de Saint Augustin" dans la collection Les petits Platons. Les illustrations sont de Marion Jeannerot.
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