Ancien conseiller du président François Hollande, Christophe Prochasson vient de publier "Voyage d'un historien à l'intérieur de l'État" (éd. Fayard), où il raconte et analyse son expérience au plus haut niveau de l'État. Dans son ouvrage, il aborde des grandes questions contemporaines, comme la situation des historiens, leur rapport à l'action, la réforme de l'école et la relation de la gauche au pouvoir.
Enseignant chercheur à l'École des hautes études en sciences sociales (EHESS), Christophe Prochasson ne se destinait pas à devenir recteur d'académie. Quand il a répondu favorablement à la demande de Vincent Peillon (ministre de l'Éducation nationale de 2012 à 2014), il s'est retrouvé à la tête de l'académie de Caen, soit 26.000 fonctionnaires, avec un budget de 1,3 milliard d'euros. Normalien, reçu premier à l'agrégation d'histoire en 1983, Christophe Prochasson est issu d'une famille de gauche, de parents enseignants. Il a été membre du parti socialiste dans les années 70 et 80.
Plus inattendue encore, sa nomination en tant que conseiller du président de la République pour l'éducation, l'enseignement supérieur et la recherche, en septembre 2015. Spécialiste de l'histoire politique de la France au XIXe et XXe siècles, l'historien s'est trouvé très ému de se trouver là. "Pour un historien c'est un monde extraordinaire parce que c'est un monde peuplé de fantômes !" Il décrit "quelque chose de la grandeur républicaine qui m'a intimidé du début jusqu'à la fin".
Parmi les sujets qu'il a eu à traiter, le remaniement des programmes d'histoire, qu'il décrit comme l'un des sujets polémiques les plus vifs qu'ils soient. Débat qui porte sur : faut-il privilégier le roman national ou l'histoire monde ? "Désormais nous vivons dans un monde mondialisé, il serait fou de refermer l'horizon historique des jeunes sur le seul pays." D'autre part, "les savoirs ont progressé", il est donc "important de ne pas s'en tenir aux grandes figures politiques : l'histoire c'est aussi le mouvement des sociétés, la culture... c'est tout un ensemble de choses".
Durant ces années aux côtés des hauts responsables de l'État, Christophe Prochasson a pu noter qu'ils "entretiennent avec l'histoire une relation aussi intense que problématique". Que les hommes politiques aient, comme il le dit "besoin de l'histoire" pour "défendre leur thèse", voilà qui ne choque pas l'historien. "Ça arme leur discours, parfois ils ont raison, parfois ils sont un peu excessifs", mais chacun son rôle et celui de l'historien n'est pas celui du politique, dit-il.
En revanche, certaines "pratiques commémoratives qui relèvent du politique, le mettent parfois "mal à l'aise". "La commémoration comme spectacle est forcément réductrice et toujours un peu dérangeante pour l'historien qui trouve que les choses sont toujours un tout petit peu plus compliquées qu'on le dit." Mais là où l'historien se dit "assez inquiet" c'est quand il évoque cet "empire des émotions sur notre vie sociale, politique, qui se fait au détriment des savoirs, de la raison". Selon lui, "il y a une vraie menace" notamment "sur les savoirs historiques."
Émission d'archive diffusée en juillet 2019
L’actualité s’enracine dans notre histoire. Chaque événement peut être relié au passé pour trouver des clés de compréhension. Relire l’histoire, c’est mieux connaître et comprendre le présent. Chaque semaine, Frédéric Mounier, auteur du blog Les Racines du présent, invite des historiens à croiser leurs regards sur un sujet contemporain pour mieux appréhender notre présent et envisager l’avenir.
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