Il existe de multiples transitions : agricoles, citoyennes, énergétiques, territoriales, mais celle dont je voudrais vous parler aujourd’hui c’est de transition individuelle. Je crois que le changement de soi et le changement du monde se conjuguent et s’imbriquent l’un dans l’autre. C’est la conjugaison de ces transitions individuelles et collectives qui permet de bâtir un nouveau paradigme où l’humanité se réconcilie avec son écosystème et en assume la responsabilité.
Ce besoin de changer peut naître d’un mal-être dans sa propre vie mais aussi d’une volonté de ne plus cautionner un système écologiquement destructeur et devenir soi-même un acteur dynamique qui impacte positivement sur le monde. Durant cet été, j’ai été frappé du nombre de personnes que l’épreuve de la période COVID a conduit au désir de changer de vie, parfois avec une certaine radicalité.
Mais ce changement, d’autant plus s’il est radical ne se fait pas sans risque. Combien sont ceux qui plaquent leur boulot, déménagent, remettent parfois même en cause leur environnement affectif croyant, pour faire court, qu’ils vont trouver le bonheur en vivant dans une yourte avec quelques poules. Et combien sont ceux qui, parfois en se mettant en rupture avec leur famille, se retrouvent en situation d’échec après quelques mois ou années. Echec d’autant plus difficile à vivre qu’il est né d’une dynamique courageuse, parfois portée par la quête d’un idéal généreux. Les réveils sont alors très douloureux !
Il ne s'agit pas de ne pas bouger mais je crois qu’une transition est quelque chose qui se mûrit et se prépare. Il me semble que la première étape d’une transition consiste à établir un état des lieux de sa propre situation, une sorte de cartographie de ce qui compose nos vies pour déterminer d’où provient notre désir de changement. Est-il dans notre sphère privée ou professionnelle, dans notre organisation matérielle, dans la gestion de notre temps, dans un désir de plus de lien avec la nature, d’exercice physique, de culture, de spiritualité, etc … La seconde étape vise à déterminer quels sont nos freins mais aussi nos leviers pour réussir ce changement. Quels sont ceux qui nous sont intérieurs mais aussi ceux qui proviennent de notre environnement. La troisième a pour objectif de dessiner les contours de cette vie dans laquelle nous voulons nous projeter. Quels sont les ingrédients qui doivent la composer. Les critères qui pourraient nous faire dire plus tard : j’ai réussi ma transition de vie.
Mon propos n’est donc pas de freiner quiconque dans son désir mais d’insister sur le respect d’une forme de méthode. Il existe d’ailleurs des lieux, des stages, des personnes qui sont spécialisés dans l’accompagnement des transitionneurs. Je termine par une invitation qui me semble fondamentale en reprenant une citation de Dostoïevski : « Il nous faut aimer la vie plutôt que le sens de la vie ». A ces mots, la philosophe Kathleen Dean Moore ajoute « Il nous faut aimer la vie par-dessus tout, et de cet amour naîtra peut-être un sens ». J’aime cette hiérarchie des invitations. Combien sont ceux qui cherchent un sens à leur vie comme un orpailleur de l’or au fond d’une rivière et qui oublient qu’aimer est souvent le premier pas qui ouvre le chemin.
Chaque jeudi, à 7h20 dans la matinale, la chronique de Julien Dezécot, Directeur de publication, cofondateur du Magazine Sans transition, et de Lucile Schmid, essayiste, ancienne conseillère régionale d'Île-de-France et co-fondatrice de La fabrique écologique.
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