Plusieurs histoires pour autant d'univers différents, des histoires qui nous plongent dans la grande histoire et des grands auteurs, préparez-vous à voyager aux côtés de Victor Hugo, Alexandre Dumas ou encore Henrik Ibsen.
La Peau de l'autre, T2 Vice Versa de Le Tendre et Séjourné chez Grand Angle
Lorsque la guerre éclate, Harvey, compositeur new-yorkais, devient pilote et rencontre Jason, chirurgien esthétique radié de l'Ordre des médecins. Lors d'une mission, leur bombardier est abattu. Harvey sauve Jason de justesse avant que l'avion ne s'embrase, mais l'explosion le défigure.
Un an plus tard, alors qu'il ne supporte plus la prothèse en cuir qui lui mange la moitié de son visage, Jason lui fait une proposition...
Dans le Hollywood d'après-guerre, un nouvel acteur fait sensation.
En réalité, derrière le comédien se cache Harvey qui, grâce au travail de Jason, peut duper le monde du cinéma. Mais instable et sous morphine, la supercherie pourrait bien se révéler dévastatrice pour le jeune acteur...
Une bonne vieille série B que ce diptyque à tendance horrifique - à l’image des films noirs et d’horreurs d’après-guerre qui pullulaient à Hollywood. Il n’y a rien de vraiment surprenant, l’intrigue policière est des plus classiques et le traitement de l’histoire assez convenu : un héros qui perd la mémoire, des cadavres dans son sillage, un meilleur ami qui cache son jeu, si on rajoute à ça un médecin nazi, le compte est bon. Cependant l’exploration de la question de l’identité et des gueules, tout comme les âmes, cassées en font un divertissement tout à fait honnête comme le dessin agréable de Gaël Séjourné, lui aussi classique mais bien fait. L’âge d’or d’Hollywood est restitué de façon convaincante et la mise en scène reste dans un classicisme répondant aux films dont ce diptyque rend hommage.
Le Bossu de Montfaucon de Pélaez et Stalner chez Grand Angle
Fin du XVe siècle : Louis d’Orléans, duc et premier prince de sang, s’est vu refuser la régence du jeune Charles VIII manipulé par sa sœur, la perfide Anne de Beaujeu. Réfugié en Bretagne, Louis prépare la défense de Nantes lorsqu’un homme épris de vengeance lui propose ses services. Pierre le Bâtard, accompagné par un bossu difforme tiré des caves du gibet de Montfaucon, prévient le duc.
Anne de Beaujeu et son homme de main, l’impitoyable Axel Lochlain, ont en leur possession deux documents que lui, le Bâtard, est le seul à pouvoir récupérer : deux lettres qui remettent en question la légitimité de Louis au trône de France.
Si le scénariste nous invite à prolonger la lecture du classique de Victor Hugo, il évoque plutôt la figure d’Alexandre Dumas dans le traitement de son histoire, avec ses intrigues retorses et ses combats à l’épée. De la bonne aventure tout à fait classique au sens noble du terme. Aux dessins, Eric Stalner, tout en osmose avec le classicisme de l’histoire, l’illustre de la même manière. Avec son trait réaliste reconnaissable, sa mise en scène est traditionnelle pour une aventure qui fleure bon les films de capes et d’épées que nous avons en tête. Nous pouvons souligner également l’application sur les décors et les bâtiments. Les personnages sont bien définis, reconnaissables facilement et heureusement car il faut s’y retrouver au milieu de ces intrigues de cours. On peut aussi mentionner le bon travail sur la couleur et une couverture fort réussie !
L'Enfer pour Aube de Pélaez et Oger chez Soleil
L'Enfer pour Aube, au titre tiré d'un poème de Victor Hugo, se déroule dans un Paris en pleine transformation, sur fond de Commune, d'idéal révolutionnaire, et de désenchantement face au modernisme.
Dans le Paris du début du vingtième siècle, des notables sont éliminés les uns après les autres par un étrange Inconnu au visage recouvert d'une écharpe rouge. Celui-ci, qui n'oublie jamais de laisser un Louis d'Or près de chacune de ses victimes, oeuvre de concert avec les redoutables Apaches pour semer la terreur dans la capitale. Dans quel but ?
Trente ans après la Commune, plus encore que son intrigue policière plutôt classique que nous suivons avec l’inspecteur Gosselin, c’est lorsque ce dernier se promène sur les traces de ce mystérieux personnage à la longue écharpe rouge que se trouve tout l’intérêt de cette histoire. Lorsque l’on se promène sur le chantier d’un tout nouveau métro, dans les magasins Dufayel, au Père-Lachaise et bien sûr dans les ruelles et les bas-fonds de Paris, c'est dans la description de ce Paris là que cette BD se révèle. La description réaliste de Paris est ainsi vraiment soignée, on y côtoie donc ces fameux apaches, ces brigands de la belle époque. Tiburce Oger, aux pinceaux, fait revivre pleinement ce Paris oublié, plutôt sale que belle époque. Les personnages, leurs costumes et les décors sont certifiés authentiques ! Il faut se faire à son trait vraiment personnel, un peu caricatural sur ses personnages, mais si vous passez le cap, il va encore vous étonner et vous régaler avec ses illustrations. Ses planches ne sont ici pas en couleurs (et c’est bien dommage, tant il excelle dans ce domaine) mais sont colorées d’un lavis gris, qui peut être un peu lourd sur la longueur. Cependant, il opte pour des pointes de rouge qui ressortent nettement. Rouge comme le sang qui a coulé lors de la Commune, et qui coule à nouveau maintenant dans les rues de Paris. Rouge comme l’écharpe de ce mystérieux personnage qui fricote avec les apaches parisiens.
L’histoire fait une soixantaine de pages, découpée en chapitres : chaque chapitre étant séparé par une pleine page d'une fausse une du Petit Journal, le quotidien de la capitale de l’époque, illustrée magnifiquement par Tiburce Oger. Et même si l’histoire se tient en elle-même concernant l’intrigue du mystérieux personnage à l’écharpe rouge, une suite arrive bientôt pour probablement nous dévoiler le passé de l’inspecteur Gosselin.
Un ennemi du peuple de Javi Rey, d'après Henrik Ibsen chez Dupuis
Le discret docteur Tomas Stockmann et son frère Peter, maire hâbleur et populiste, ont fondé ensemble un établissement thermal dont le succès assure la prospérité de leur petite île. Tomas, qui ne cautionne pas la gestion qu'en fait son frère, s'est toutefois mis en retrait du projet, n'y assurant plus que la mission de médecin généraliste pour les touristes. Une tâche inintéressante qui va pourtant lui permettre de découvrir un terrible scandale sanitaire. Et l'obliger à entamer un combat contre son propre frère... et contre l'île toute entière.
Sur près de 150 pages, Javi Rey reprend à son compte les éléments de cette pièce de la fin XIXème siècle d'Henrik Ibsen, une pièce qui reste très actuelle : du mensonge politique toujours présent à la manipulation de l’opinion publique sans oublier l’alarme écologique. Un ennemi du peuple est un album qui nous parle d’aujourd’hui. La question de l’intérêt général est aussi au cœur du récit, pour une histoire universelle. L’opinion publique voudra-t-elle entendre la vérité si cela met en péril son confort ? La démocratie perd-elle sa valeur lorsque le peuple vote contre la justice et la vérité ? [...] On peut souligner une partition graphique quasi irréprochable de la part de Javi Rey. L’auteur nous offre son trait semi réaliste. Un trait bien élégant avec un travail remarquable sur les couleurs. Rey joue beaucoup sur les atmosphères et offre au lecteur des planches en bichromie où les couleurs complémentaires tout en bleu et rouge renforcent le côté fable de l’histoire, tout en subjuguant le lecteur devant la beauté de son ciel rouge et de son herbe bleue. Il se dégage une belle poésie, dans ces passages oniriques qui soulignent souvent les états d’âme du docteur : ses craintes ou ses pensées mais aussi ses cauchemars.
Programmation musicale :
Les apaches, La Maison Tellier
Extrait de Notre de Dame de Paris de Jean Delannoy
Jeanne et Alexis vous donnent rendez-vous pour leurs coups de cœur du moment : romans noirs, littérature jeunesse, bandes dessinées...
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