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Zaho de Sagazan, une artiste à la croisée des mots et de l’électronique

Un article rédigé par Alix Berteloot - RCF, le 9 janvier 2024 - Modifié le 16 juillet 2024
Midi Lorraine, les entretiensZaho de Sagazan, une artiste à la croisée des mots et de l’électronique

À 23 ans, Zaho de Sagazan a sorti son premier album "La symphonie des éclairs". Une envolée vertigineuse dans laquelle l'artiste a su justement coupler la musique électro à son timbre de voix grave et son phrasé articulé, pour évoquer ses sentiments. En pleine ascension, l'auteure de "Tristesse" est arrivée en tête des nominations des Victoires de la musique 2024 dans cinq catégories. Véritable révélation, RCF a pu s'entretenir avec la chanteuse à l'occasion de son passage au Nancy Jazz Pulsation, en octobre 2023.

Zaho de Sagazan entame une tournée de deux ans avec son album “La symphonie des éclairs”. Credit : BenpiZaho de Sagazan entame une tournée de deux ans avec son album “La symphonie des éclairs”. Credit : Benpi

Zaho de Sagazan, vous avez 23 ans et votre premier album La Symphonie des éclairs est sorti en mars 2023. Vous passerez prochainement sur la scène du Nancy Jazz Pulsation. Est-ce que vous connaissez le festival et les artistes, Pierre de Maere et la Femme, qui passeront juste après vous ? 

Je connais bien les artistes, surtout Pierre de Maere, que j'aime beaucoup. J'adore son personnage, je le trouve drôle comme tout, talentueux, plein d'ambitions. Je connais un petit peu moins la géographie mais je vais apprendre. Mais je suis ravie de venir, je connais le festival de nom et je le sais super donc j'ai hâte d’y être.

Si l’on revient à vos débuts, vous avez commencé le piano à 13 ans dans la maison de famille. Très vite vous avez démarré les reprises mais aussi les premières compositions. À quel moment vous êtes venu ajouter ce grain électro à vos chansons? 

C’est arrivé un petit peu plus tard, j'ai d'abord voulu mettre l'accent sur les mots et c'était cela qui m'intéressait pendant très longtemps. Puis après j’ai découvert la musique électronique au lycée. J’ai compris qu'on pouvait faire passer des émotions autrement que par les mots : par des synthés, par des grosses basses, des arpégiateurs, etc. J’ai trouvé ça fantastique ! À partir de ce moment-là, j'ai commencé à me mettre un petit peu sur mes ordinateurs, à essayer de rajouter un peu d'électronique mais bon je n'étais pas très forte. C'est surtout quand j'ai découvert mes deux producteurs, Pierre Cheguillaume et Alexis Delon, qui eux étaient des professionnels de l’électronique. Voilà, je suis rentrée dans leur studio et là, le monde de l'électronique s'est ouvert à moi. 

D'ailleurs le synthé c'est l'un de vos instruments de prédilection… On peut le voir sur votre pochette d'album. 

Effectivement, je trouve qu'une pochette d'album change beaucoup notre écoute de l'album. On a mis la voix très forte, on a tout fait pour que les textes soient entendus mais c'était important pour moi de mettre en valeur le côté synthétique de cet album, les modulaires et tout le côté électronique. Je trouvais qu'il y avait une jolie poésie dans l'image de « je touche des boutons de synthé avec mes copains » et ces boutons deviennent des petites étoiles qui forment un univers. En tournant des boutons avec des copains dans un studio noir, on peut tout d'un coup s'inventer toute une histoire et tout un univers. C'était un peu la petite poésie et en même temps, le côté mathématique, le côté sombre. 

"L'unique façon de trouver sa voix, c'est de chanter"

Sur ce côté électronique, certains vous considèrent comme l'héritière de cette musique. Et pourtant, dans ce style, la voix est au second plan, alors que dans vos compositions, votre voix est mise en avant. Il n'y a pas une contradiction à aimer l'électro, et pourtant, à mettre en avant sa voix ?

Déjà, je pense qu'on est tous fait de contradictions. C'est la nature humaine. Après, je pense qu’à l’inverse, ce n'est pas preuve de contradiction. C'est plutôt une preuve de liberté et de curiosité que d'aimer autant l'électronique que la chanson française. C'était tout un exercice à faire, parce que c'est vrai que dans la musique électronique, la voix est toujours en second plan avec énormément d'effets et elle se construit un peu comme un synthé. Là où dans la chanson française, la voix est mise en avant. Donc on a dû trouver plein de moyens pour que la musique électronique se fonde quand même à ce côté, chanson française. C'est pour ça que ça a duré aussi longtemps. Il y en a qui l'ont fait avant moi. Je pense à Anne Clark, par exemple. C'est plutôt culotté d'essayer. Moi j'aime bien !

Et c'est un équilibre particulièrement bien trouvé dans vos compositions. Votre voix est assez reconnaissable : grave, articulée, un peu à la Barbara. Comment est-elle venue ? Est-ce que vous l'avez travaillée? 

Ah, tout se travaille. Personne ne naît en chantant bien ou alors je ne l'ai jamais rencontrée. Évidemment je l'ai travaillé beaucoup, beaucoup, beaucoup. L'unique façon de trouver sa voix, c'est de chanter. Je suis très exigeante avec moi-même. Je suis passée par mille étapes : des étapes où j’étais très maniérée, des étapes où j’étais uniquement dans le grave et où je n’articulais pas du tout, c’était très nasillard. Au bout d’un moment, on se trouve petit à petit. 

Le seul conseil que je peux donner à quelqu’un qui essaie de trouver sa voix, c’est de chanter le plus possible, de s’écouter et d’écouter les autres. Il y a des gens qui ont pensé, chanté et écrit avant nous et il n’y a rien de mieux que d'essayer, non pas de les copier, mais de s’en inspirer pour comprendre comment eux, ils ont fait afin d’essayer de le faire à son tour. 

"J'ai appris à l'aimer cette sensibilité"

Justement en parlant d’inspirations, vous avez un répertoire assez divers : de la variété française à Tom Odell… Quelles sont vos influences ?

Effectivement j'ai souvent répété les mêmes : Barbara, Tom Odell. Mais il y en a plein, j'adore les Beatles, j'adore le rock, j'adore les Pink Floyd. Le plus important c'est de s'inspirer le plus possible de plein de choses différentes et d'être curieux. Donc ça serait très compliqué de vous dire toutes mes influences. Mais voilà, j'adore Janis Joplin, Stromae, François Hardy, j’adore la techno, comme j'aime des ballades. Le plus important c'est d'être varié, d'écouter, d'essayer de trouver de la force dans chaque genre et de voir ce que l’on a envie de raconter et de quelle manière. 

Vous évoquez très facilement en concert ou en interview, la personne sensible que vous avez été, qui ne savait pas forcément gérer ses émotions. À quel moment vous avez su accueillir cette sensibilité et en faire une force? 

Ce n’est pas un moment, c'est tout un travail très long. Des fois je ne sais toujours pas la gérer. En tout cas, j'ai surtout appris à l'aimer cette sensibilité. À partir du moment où l’on embrasse ses émotions plutôt qu’on les rejette, tout de suite elles sont un peu mieux gérées. Pendant très longtemps, je m'empêchais d'être triste. Je mettais les mauvaises lunettes. Petit à petit, j'ai appris à trouver cela mignon quelqu'un qui pleure. Puis à voir les mauvais côtés de ses émotions parce qu'il y en a des mauvais, il y a la rage, elle n'est pas bonne, la haine non plus. Là où par contre, la mélancolie n’est pas forcément mauvaise à chaque fois. 

Ça s’apprend tous les jours, franchement, j'ai 23 ans, je pense que je suis encore très loin d'avoir tout appris, il y a mille manières. La philo m'a aidée. Une fois que j'ai mis des mots sur des choses, je les ai mieux comprises. Donc je conseille d'extérioriser. Pas d’extérioriser en criant sur des gens mais en criant sur son piano, en essayant de mettre des mots sur les choses. Le déni, il n’y a rien de pire. Il faut plutôt assumer, essayer de comprendre ce qui se passe dans l'esprit mais c'est long.

"Je vis tout ça avec mes meilleurs copains"

En 2022, vous faisiez vos premiers pas sur scène, en concert solo à Paris. Un an plus tard, vous enchaînez les festivals, et vous entamez une tournée de deux ans dont un Olympia, deux Zénith et des concerts à l'étranger. Comment vivez-vous cet enchaînement et cette ascension? 

Très bien, je suis très heureuse. Je vis tout ça avec mes meilleurs copains. On hallucine tous un peu parce qu'on vient de Nantes, on vient de la petite musique et puis tout d'un coup ça prend un peu une ampleur de dingue. Mais on apprend tous les jours et je suis entourée de bosseurs. On essaye de faire au mieux, de faire les plus belles choses possibles. Des fois ça va être raté, des fois ça ne va pas être raté mais moi je suis très contente, je vis ça avec des gens super et je vois que ça fait du bien à certaines personnes aussi donc c'est fantastique. Je suis très contente de ce qui m’arrive.

La scène vous apporte quelque chose...

Evidemment, c’est l’un des endroits où je me sens le mieux. Toutes les chansons prennent sens, tout l’artifice est enlevé et surtout, c'est un moment où l’on rencontre enfin les gens. On prend conscience que la musique est devenue un moment pour les autres et voir des sourires, voir des pleurs, voir des gens heureux, voir des gens qui dansent etc. C'est merveilleux. Je me sens extrêmement bien sur scène. J'ai un rapport à la scène où je ne stresse pas trop. Je sais juste que je suis là pour être la plus sincère possible, la plus généreuse et j'essaie de donner le maximum à chaque fois, d’aller encore plus loin que sur l'album. Je vois des sourires donc ça ne peut pas me rendre plus heureuse.

En dehors des scènes on peut aussi vous entendre sur les podiums. Le 2 octobre votre voix a rythmé le défilé Louis Vuitton. Qu'est-ce que cela représentait pour vous de savoir que vous étiez sur ce défilé? 

Je ne connais rien à la mode, donc ça n'a jamais été un rêve pour moi que d'être dans un défilé. Je ne m’y suis jamais trop intéressée. Je me suis habillée à Emmaüs toute ma vie, je mettais un costard puis j'étais contente. Mais j’ai rencontré Nicolas Ghesquière (directeur artistique de Louis Vuitton) et l’on s’est très bien entendus. Assez vite, j’ai compris qu’il était tombé en amour avec mon album. Il m’a fait comprendre qu’il avait fait cette collection avec ma musique dans les oreilles donc je trouvais ça joli d’être mélangé à un art que je ne connais pas du tout. Je trouvais que cela avait du sens. 

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