Pour bien débuter ce début d’année, voici une sélection d’ouvrages mettant en scène la fin du monde tel que nous le connaissons et envisage différentes possibilités pour notre futur.
BOTS de Ducoudray et Baker chez Ankama
Au fil des conflits mondiaux, les humains ont délégué l’art de la guerre aux machines. La Terre est devenue un immense champ de bataille uniquement peuplé de robots qui connaissent leur boulot sur le bout des circuits.
Tout juste sorti des chaînes de montage, le robot mécanicien Rip-R est couplé avec War-hol, un robot guerrier. Ce dernier découvre qu’il est en réalité programmé pour protéger l'unique survivant de l’humanité ! Qui aurait cru que War-hol aurait l’instinct maternel ?
Entre questionnements existentiels, castagne et baby-sitting, nos héros vont mettre leur carte mère en péril pour le renouveau de l'humanité sur Terre.
Le scénariste Aurélien Ducoudray nous propose avec Bots une Science-Fiction post-apocalyptique des plus loufoque et parodique. Mais il ne faut pas se faire avoir par l’allure burlesque du récit, et même si nos deux compagnons ont des airs de Laurel et Hardy de boîtes de conserve, nous avons ici une belle petite caricature de notre monde actuel à travers la société de consommation et notre course à la technologie et aux mises à jour… Ducoudray n’oublie pas non plus de dénoncer la guerre et ses conflits immémoriaux à l’origine de la fin de l’humanité ! Fort heureusement, il n’oublie pas non plus d’être constamment drôle à travers des situations ou dialogues savoureux. Côté dessin, le tout est mis en scène et dessiné avec délice par Steve Baker et son graphisme cartoon qui fait mouche. Le dessinateur rend ici un hommage aux différents comics qui ont dû faire partie de sa culture, hommage réussi aussi bien sur le fond que sur la forme. Son dessin ressemble donc à quelques cartoons américains et sa mise en scène et découpage, voire même le chapitrage de chaque album, rappelle le dynamisme des comics outre atlantique. A noter que pour les amateurs du genre, de nombreux et délicieux clins d’oeil parsèment la lecture de cette série et vous pourrez vous amuser à découvrir en arrière plan toutes les caricatures et autres détournements de marque, autant de détails amusants qui ajoutent à l’ensemble un petit plaisir bien agréable… Et pour finir de vous convaincre, une précision mais pas des moindres : vous avez avec cette intégrale, en plus du dossier graphique en fin d’album, plus de 250 pages, soit 3 albums réunis pour un tout petit prix! Alors, pour les amateurs de S-F décalée, débordant d’humour et de références, BOTS est peut-être la Bande Dessinée qu’il vous faut si comme nous, vous étiez passé à côté!
Bpocalypse d'Ariel Holzl collection M+ chez l'école des loisirs
Pour se rendre au lycée, Samsara n’oublie jamais sa batte de baseball, ses talismans et son couteau de chasse. Tout ce dont elle a besoin pour affronter les animaux mutants, fantômes et autres créatures qui ont envahi les rues de Concordia après l’Apocalypse. Aujourd’hui, la ville vient de lever la quarantaine de l’ancien parc public et s’apprête à accueillir ses habitants, réputés avoir muté. Les deux jumeaux que Sam voit débarquer dans sa classe sont loin d’avoir un physique standard. Très vite, ceux qui se moquent d’eux ou les prennent à partie sont les victimes d’incidents inexpliqués. Tout semble accuser les nouveaux venus. Mais dans une ville comme Concordia, peut-on se fier aux apparences ?
Tous les ingrédients pour un bon divertissement sont là : une héroïne attachante, énervée et énervante, qui se laisse guider par ses émotions avant de réagir comme elle devrait. Heureusement, elle est bien épaulée par 2 bons amis qui forment un trio qui se complète bien, ce qui est assez classique dans ce genre de romans. L’écriture d’Ariel Holzl est simple mais fluide et fait la part belle aux bons dialogues entre les différents personnages et certaines réparties sont d’ailleurs plutôt savoureuses. Le bestiaire et l’univers sont riches et bien développés, l’auteur fait preuve d’une inventivité constante comme cette nouvelle monnaie d’un monde où les billets n’ont plus leur place et ce sont les CDs et autres DVDs qui servent aux transactions - même si l’on aurait aimé voire cet aspect plus mis en avant et voir que la population aisée de Concordia, se permet, elle, d’écouter de la musique. Et oui car bien évidemment même avec une fin du monde, les humains sont toujours régis par les mêmes règles, et qu’il existe donc toujours une lutte de pouvoir et de fortes inégalité entre les pauvres et les riches. Mais bien sûr, il va y avoir des étincelles entre Samsara et un nanti des beaux quartiers. Après une première partie prenant un peu son temps pour bien nous présenter tout l’univers avec ses différents quartiers et ses populations, l’intrigue se lance véritablement à l’arrivée des jumeaux du nouveau parc dont la quarantaine a été levée. De nombreuses influences parsèment ce roman réussi, on pense à des mélanges de Divergente, Hunger Games ou encore Le Labyrinthe mais l'univers d’Ariel Holzl est bien digéré et propose une histoire originale, un peu punk dans l’esprit avec son personnage de Samsara à fleur de peau et se base sur des thèmes importants comme l’acceptation de la différence et fera peut-être réfléchir nos ados de ne parfois pas foncer la tête baisser sous l’emprise de la colère pour leur faire regretter plus tard leurs gestes et leurs paroles.
Les promeneuses de l'apocalypse de Sakae Saito chez Doki Doki
Le monde est anéanti... Partons le visiter à moto !
Yôko et Airi visitent les endroits les plus célèbres du Japon avec leur moto tout terrain. Admirer le mont Fuji depuis Hakone, pêcher sur le pont de la baie de Yokohama, sans oublier d’aller au Tokyo Big Sight. Voilà le voyage qui attend nos deux jeunes filles à moto. Hélas, le monde s’est effondré…
L’histoire démarre donc sans accroc et nous plonge très simplement dans cette aventure feel good, inspirée de la philosophie du Carpe Diem, profiter de chaque instant qui nous est offert. Ici, cela se traduit simplement par vivre au grand air et s’ébahir des paysages même dévastés. Tout est source de joie pour nos 2 promeneuses et même si le récit est bienveillant, les péripéties ne manquent pas : entre les nombreux ponts et routes détruites qui les obligent à des détours, elles doivent faire face notamment à une belle tempête sur la route, ou encore faire attention à certains animaux sauvages. Cela permet à l’auteur de pimenter un peu son aventure et de ne pas lasser les lecteurs. Il faut aussi dire que l’auteur Sakae Saito sait jouer avec les rêves et les interactions dans ces derniers de notre héroïne Yôko tout en évoquant ses relations avec sa sœur aînée. Le tout avec bien sûr comme fil rouge le voyage de cette dernière que suivent nos 2 promeneuses. Dans les trouvailles de l’auteur, vous verrez rapidement qu’Airi est en fait une androïde bien utile dans de nombreuses situations. Yôko aura en effet besoin de sa force et ses talents, et surtout, elle est une oreille attentive aux longues tirades et discussions que lui lance cette dernière. Côté dessin, les personnages de Sakae Satio sont un peu passe-partout stylisés avec leurs grands yeux mais les décors sont très bien soignés dans un réalisme très efficace, réalisme aussi pour la faune et les objets comme la moto au cœur de ce récit. Il faut savoir que l’auteur est lui même passionné de moto et qu’il sait donc nous partager sa passion. La moto de nos deux héroïnes, une Serow 225 est la même que celle qu’a conduit l’auteur lors d’un de ses roads trips : une bécane comme il dit, qu’il adorait et qu’il dessine ici parfaitement et sous toutes les coutures. On peut ajouter que la mise en scène est dynamique, et malgré le peu de péripéties, on ne s’ennuie pas un instant à la lecture du manga. L’ambiance légère de la série fait énormément de bien et c’est aussi agréable que peu commun de lire ce type d’émotions et sentiments dans ce genre de récit post-apocalyptique. On découvre des paysages, des villes détruites, et nos 2 héroïnes nous invitent à leur virée touristique à ciel ouvert et même ces paysages en ruines paraissent pour elles merveilleux ou du moins en quelque sorte étonnant, puisqu’elles n’ont connu jusqu’alors que les murs de leur bunker. Cette virée touristique, malgré bien sûr quelque passage plus mélancolique, est résolument solaire et l’on découvre avec plaisir ce récit de voyage, de découverte, pour les deux héroïnes comme pour nous aussi, que l’on connaisse ou pas le Japon.
La route de Cormac McCarthy aux éditions de l'Olivier
L’apocalypse a eu lieu. Le monde est dévasté, couvert de cendres. Un père et son fils errent sur une route, poussant un caddie rempli d’objets hétéroclites et de vieilles couvertures. Ils sont sur leurs gardes car le danger peut surgir à tout moment. Ils affrontent la pluie, la neige, le froid. Et ce qui reste d’une humanité retournée à la barbarie. Cormac McCarthy raconte leur odyssée dans ce récit dépouillé à l’extrême.
Les thèmes récurrents de l'écrivain depuis ses premiers écrits se retrouvent dans La Route : une solitude insondable, une douleur mais aussi un chagrin souvent intenable, et un combat du bien contre le mal. On retrouve donc ces sujets au cœur de cette route terrible sur laquelle avancent un père et son fils. Dans ce décor apocalyptique, un père et son fils, que l'auteur ne nomme jamais autrement que « l'homme » et « le petit », errent en direction du sud, leurs maigres possessions rassemblées dans un chariot de supermarché et des sacs à dos. Dans la pluie, la neige et le froid, ils avancent vers les côtes du Sud, la peur au ventre : des hordes de sauvages cannibales terrorisent ce qui reste de l'humanité. Survivront-ils à leur voyage ? Ce roman peut être lu comme une sorte de long poème métaphysique, récit initiatique du petit au côté de son père aimant inculquant malgré tout des valeurs dans ce monde sépulcral. Comme souvent chez McCarthy, la narration est en quelque sorte assez décousue et obscure, avançant par pensées auxquelles réfléchit l’homme mais La Route est un peu plus qu’un roman, c’est une sorte de conte ou de fable aussi bien sur la relation père-fils que sur la fin du monde. C’est un vrai livre de fin du monde, avec un véritable décorum des plus terribles, tout est gris, en ruine, dévasté comme l’humanité, et en effet, la plupart des survivants que le père et le fils croiseront chercheront à les tuer ou au moins voler le peu de possession qu’ils ont. C’est un livre que l’on peut lire aussi comme une métaphore écologique mais également comme un livre sur la fin de l’innocence. Et c’est là que le livre est tout à fait poignant : sur cette relation père-fils dans cet environnement dévasté. Tout l’amour du père pour son fils dans un monde cruel qui n’en a plus ou vraiment si peu.
Programmation musicale :
Its the end of the world as we know it (and i feel fine), R.E.M
The Road, Nick Cave & Warren Ellis (Bande Originale du film La Route de John Hillcoat)
RCF est une radio associative et professionnelle.
Pour préserver la qualité de ses programmes et son indépendance, RCF compte sur la mobilisation de tous ses auditeurs. Vous aussi participez à son financement !