Césarisée et récompensée à la Mostra de Venise, la fille d'immigré italien, élevée à Marseille, a un parcours étonnant. Avec son franc parler légendaire, Ariane Ascaride nous raconte.
Lauréate du césar de la meilleure actrice pour le film "Marius et Jeannette" en 1998 puis plus récemment, en 2019, de la coupe Volpi de la meilleure interprétation féminine à la Mostra de Venise pour son rôle dans Gloria Mundi, Ariane Ascaride connaît, depuis ses débuts, une prestigieuse carrière.
En tête d'affiche, elle a pourtant toujours gardé les pieds sur terre. Ayant grandi dans la cité phocéenne, cette fille et petite fille d'immigrés italiens, a toujours gardé un lien fort avec son passé. Elle le prouve dans son livre, écrit pendant le confinement et publié aux éditions du Seuil : "Bonjour Pa' ".
"Lettres au fantôme de mon père", c'est le sous-titre de son livre "Bonjour Pa' ". Alors que les théâtres et cinémas se fermaient pendant le premier confinement, Ariane Ascaride, elle, a pris la plume pour écrire aux fantômes du passé, à son père plus précisément. Le mot "fantôme" pourrait faire sourire, pourtant Ariane Ascaride y croit dur comme fer. Ceux qui sont partis peuplent sa vie quotidienne elle "les faits vivre" car ils sont "toujours là".
Ce père, qui l'a appelé Ariane "pour qu'elle ne soit pas comme les autres", a aussi choisi ce prénom trés français pour qu'elle puisse s'intégrer au mieux. "Un stupide mais compréhensible complexe de l'immigration" selon elle, qui défend cette double culture franco-italienne, véritable source d'inspiration et de valeurs fortes.
Ces valeurs, qui l'habitent encore aujourd'hui, elle les a aussi trouvées dans le quartier populaire du centre de Marseille, où elle a grandi. Ariane Ascaride garde en souvenir de ce milieu simple la joie des rencontres. L'actrice prestigieusement primée aime les autres mais sait s'en méfier. "J'ai été élevée avec des vraies valeurs d'honneteté, de probité, de dignité mais ... on me la fait pas" prévient-elle.
De son enfance, Ariane Ascaride, évoque souvent un lieu qui lui est cher bien que saugrenu : le placard-grenier de sa maison. Une cachette où elle se réfugiait quand elle se sentait un peu seule. D'anciens jouets, des albums illustrés, des partitions et cette odeur particulère de vieux livres qu'elle a encore en mémoire.
Dans cette "chambre à soi", Ariane Ascaride a pu développer son imaginaire et sa créativité avant que son père ne la pousse à monter sur les planches, lui qui rêvait d'être chanteur d'opéra. Avec sa troupe de théâtre amateur, il lui a donné l'opportunité, à 8 ans, de monter sur les planches pour la première fois. Ariane Ascaride se transforma alors en Drusilla, la soeur de Caligula, l'empereur romain. Monter sur les planches est une évidence, une vraie liberté que, depuis elle cherche à retrouver dès qu'elle joue au théâtre ou au cinéma.
Enfance, vocation, passion, le père d'Ariane Ascaride est omniprésent dans sa vie. C'est aussi lui, et son passé de résistant, qui lui a donné la fibre de l'engagement.
Ariane Ascaride ne supporte pas l'injustice et elle le fait savoir. Elle, qui a subit certaines moqueries en arrivant à Paris, sans connaître les "codes" de la bourgeoisie du 7ème arrondissement. "Je n'ai jamais compris pourquoi quelqu'un, qui avait deux jambes, deux bras une tête, et un autre, je ne comprenais pas pourquoi il y avait une différence" exprime-t-elle.
Cette différence ou plutôt indifférence que certains peuvent avoir encore aujourd'hui à l'égard du nouveau venu, elle ne l'accepte pas. Sa solidarité pour les migrants le prouve.
Ariane Ascaride se souvient de ses grands-parents qui, comme beaucoup aujourd'hui, ont dû prendre, à l'époque, un bateau à Lampedusa pour migrer vers des terres plus clémentes, les États-Unis puis Marseille.
"Je ne peux pas comprendre qu'on laisse des gens se noyer" lance-t-elle. Cette solidarité, sa vie en est empreinte. Mariée depuis 1975 avec le réalisateur Robert Guédiguian, Ariane Ascaride aime jouer pour cet homme "qui parle de héros ordinaires et fait entendre une langue qu'on n'entend pas obligatoirement, il parle des pauvres" explique-t-elle. Un cinéma populaire et solidaire qui colle à la peau d'Ariane Ascaride.
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