C’est une méditation sur les cimetières, les tombes, les traces, et aussi sur les liens, que propose le philosophe Patrick Rödel. Avec le photographe Victor Cornec, ils ont parcouru les champs et les vignobles de Gironde et de Dordogne, à la recherche des tombes isolées des protestants. Des tombes souvent enfouies par la végétation et qui interpellent celui qui contemple ces paysages. Il répond à Monserrata Vidal.
Dans "Paysages avec tombes - Un héritage protestant en Aquitaine" (éd. Michel Calmejane), le philosophe et écrivain Patrick Rödel livre une méditation sur les traces, sur le temps et sur le paysage. Son texte vient faire écho aux photographies de Victor Cornec, qui capture les paysages de l’entre-deux-mers, les vignes et les champs de Gironde et aussi de Dordogne. Parfois englouties par la végétation, des tombes isolées se découvrent çà et là. Ce sont pour la plupart des tombes de protestants. Le philosophe voulait "rappeler ce qu’avaient été les conséquences de la Réforme".
Grand admirateur de Michel Serres, Patrick Rödel rejoint l’un de ses thèmes favoris. Et notamment la façon qu’a Michel Serres de penser la continuité entre l’homme et le paysage. "Quand, arrêté au bord d’une route haute, vous contemplez la vue d’un paysage de chez vous, souvenez-vous que ces champs côté à côte et bout à bout dessinent l’immense nécropole des paysans, nos aïeux, dieux païens qui, non seulement de leur travail, mais aussi de leurs tombes et de leurs corps, accumulés, ont peu à peu sculpté, dessiné, modelé, peint le pays que vous aimez ou habitez, d’où nous sortons tous et qui vous contemple tout autant que vous le regardez." (Michel Serres (1930-2019) "Adichats ! (Adieu !)", éd. Le Pommier, 2020).
Pourquoi ces tombes ? Pourquoi sont-elles ici et non derrière les murs d’un cimetière ? Sous le questionnement, la sensation du mystère. Sans doute est-ce parce que le minéral disparaît parfois sous les branchages entrelacés, les photographies de Victor Cornec ont une dimension onirique, fantastique. Mais rien de morbide. "Je ne voulais pas quelque chose de morbide, insiste Patrick Rödel, les cimetières sont des lieux que j’adore, j’adore me promener dans les cimetières partout où je vais. Le cimetière est un lieu pour moi d’apaisement, de méditation, pas du tout quelque chose de triste et de morbide !"
L’ouvrage de Patrick Rödel et Victor Cornec nous ouvre les yeux sur "la continuité du vivant, et donc la continuité des règnes – minéral, végétal, animal, humain, spirituel, etc." Un thème là aussi cher à Michel Serres, et qui est une thématique essentielle de son dernier ouvrage posthume, "La Fontaine" (éd. Le Pommier, 2021).
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